Irak
Pas de répit
(Photo : AFP)
Procès de Saddam Hussein
Défendre l’ancien dictateur irakien est un travail à haut risque. Khamis al-Obeidi est le troisième avocat chargé de défendre Saddam Hussein et ses co-accusés dans le procès engagé pour juger les responsables du massacre de 148 villageois chiites en 1980, à avoir été tué. Avant lui, Saadoun al-Janabi (19 octobre 2005) et Adel Mohammed Abbas (8 novembre 2005) ont subi le même sort. L’exécution de maître al-Obeidi est intervenue, le 21 juin, à un moment clef : après que l’avocat général, Jaafar al-Moussaoui, a requis la peine de mort contre l’ancien président irakien, son demi-frère Barzan al-Tikriti mais aussi l’ancien vice-président, Taha Yassine Ramadan, et avant la plaidoirie des avocats prévue le 10 juillet. Cet assassinat révèle à quel point ce procès exacerbe les tensions et met en valeur l’incapacité des forces irakiennes, mais aussi de la coalition, à assurer la sécurité des magistrats qui y participent. Khamis al-Obeidi a été enlevé chez lui et exécuté par balles, de jour, en pleine rue. Dans un tel contexte, la crédibilité du procès des responsables du régime bassiste est une nouvelle fois mise en cause. Certains accusés ont d’ailleurs engagé, selon le principal avocat de la défense, Khalil al-Doulaïmi, une grève de la faim pour protester contre les conditions dans lesquelles ils sont jugés, après l’annonce de la mort de leur défenseur. L’armée américaine, responsable du centre où sont incarcérés les accusés a, en revanche, démenti que Saddam Hussein participait à ce mouvement.
Attentats, enlèvements, exécutionsLes terroristes d’al-Qaïda avaient juré de venger la mort de leur chef Abou Moussab al-Zarqaoui, tué lors d’un raid aérien mené par les Américains, le 7 juin dernier. L’enlèvement et l’exécution de deux GI’s américains représentent sans aucun doute la mise en œuvre de cette promesse. Les corps de Kristian Menchaca et Thomas Tucker, disparus depuis le 16 juin, ont été retrouvés atrocement mutilés au sud de Bagdad. Il a fallu des analyses ADN pour les identifier avec certitude. C’est aussi un groupe lié à l’organisation terroriste d’Oussama Ben Laden qui a affirmé avoir enlevé quatre diplomates russes et être décidé à les exécuter. Malgré les coups portés aux terroristes contre lesquels de nombreuses opérations sont menées par les forces irakiennes et la coalition internationale -après Zarqaoui, les Américains ont annoncé avoir tué un autre chef d’al-Qaïda, cheikh Mansour-, les terroristes sont loin d’être hors d’état de nuire. La population civile est la première victime de la violence et des combats. Chaque jour continue d’apporter son lot d’explosion, attentats-suicide et autres exécutions sommaires. A Bagdad, malgré la mise en œuvre d’un plan de sécurité renforcée, la violence n’a pas diminué. Les enlèvements de civils sont aussi récurrents. Le dernier en date est spectaculaire : plusieurs dizaines d’employés du ministère de l’Industrie ont été kidnappés. La plupart ont été relâchés rapidement, notamment l’ensemble des femmes. La veille, ce sont 80 employés d’une usine de Tdaji appartenant à une société publique qui avaient connu le même sort. De telles pratiques contribuent à maintenir la population dans un état de crainte permanente.
La coalition internationale
Petit à petit, les Américains perdent des alliés en Irak. Après l’Italie, le Japon a annoncé le retrait de ses troupes. Pour le moment, l’Australie n’a pas décidé de faire rentrer son contingent au pays. Mais pour combien de temps ? La question est la même pour les militaires du Salvador, dernier Etat d’Amérique latine à maintenir des soldats en Irak. Les Etats-Unis ont, quant à eux, annoncé qu’ils ne donneraient pas de calendrier pour un éventuel désengagement militaire. Reste que la question est de plus en plus souvent posée dans le pays. Une partie des démocrates dénoncent la politique de George W. Bush et exige un retrait progressif des soldats. Le Pentagone oppose que c’est l’évolution de la situation sur le terrain qui déterminera les décisions à venir. De leur côté, les autorités irakiennes semblent se placer dans la perspective d’un assouplissement du dispositif militaire américain. Le conseiller à la sécurité nationale, Mouaffak al-Roubaïe, a déclaré : «Nous tablons sur des troupes américaines inférieures à 100 000 militaires d’ici la fin de l’année et sur le fait que la plupart des soldats américains restant seront partis d’ici fin 2007».
Bavures
L’armée américaine ne sortira pas grandie de son intervention en Irak. La succession de bavures et de scandales risque de lui porter un grand préjudice. Après les tortures contre des détenus de la prison d’Abou Ghraib, d’autres affaires peu glorieuses qui impliquent des militaires américains ont été découvertes : le massacre de 24 civils irakiens à Hadissa en novembre 2005, la mort de 3 prisonniers près de Tikrit en mai de la même année ou l’exécution d’un autre civil à Hamdania, le 26 avril. Dans cette dernière affaire, huit soldats américains viennent d’être inculpés pour homicide volontaire par la justice militaire. Ils auraient tué un civil handicapé et maquillé ce crime de manière à faire passer l’homme pour un rebelle. Ils sont passibles de la peine de mort.
Objectif : réconciliation nationale
Malgré le chaos, le nouveau gouvernement irakien tente de mettre en œuvre une stratégie de réconciliation nationale. Le Premier ministre, Nouri al-Maliki, a proposé une initiative visant à réintégrer dans le processus politique les opposants, essentiellement les anciens membres du parti Baas exclus de l’administration après la chute de Saddam Hussein. Le président Jalal Talabani a précisé que cette initiative concernait «tous les Irakiens, y compris ceux qui ont porté des armes» à condition qu’ils n’aient pas «commis de crimes graves contre les citoyens». Ce qui semble sous-entendre que la restriction ne concerne pas les crimes contre les militaires, américains notamment.
par Valérie Gas
Article publié le 22/06/2006Dernière mise à jour le 22/06/2006 à TU