Union européenne
L’Europe passe à 27
(Photo : AFP)
(Carte : JB / RFI)
Le 31 décembre, les douze coups de minuit ont sonné sur place l’entrée dans l’Union européenne (UE) de la Roumanie et de la Bulgarie. L’UE devient ainsi le troisième plus vaste ensemble de population au monde derrière la Chine et l’Inde : 487 millions d’habitants contre 457 à 25 et 380 à 15, avant 2004. A cause de leurs retards dans différents domaines, la Roumanie et la Bulgarie avaient été recalées pour le grand élargissement de 2004, qui avait vu l’entrée de l’Estonie, de la Hongrie, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie et de la Slovénie. Il a ensuite été question de les faire patienter jusqu’au 1er janvier 2008.
Finalement, le Conseil s’est prononcé en septembre dernier pour leur entrée au 1er janvier 2007, moyennant une surveillance rigoureuse de la poursuite des réformes engagées. «La Roumanie devra parcourir un long chemin entre la date de son entrée dans l’UE et son intégration réelle dans cette grande famille», a averti le président roumain, Traian Basescu. Quant au ministre bulgare des Affaires étrangères, Ivaïlo Kalfin, il a estimé : «Ce sera encore plus difficile pour nous à partir du 1er janvier».
Adhésion sous haute surveillance
Certains domaines, dans lesquels les deux pays ont déjà fourni des efforts substantiels, sont encore préoccupants : le système judiciaire, la lutte contre la corruption, le trafic d’êtres humains et le trafic de drogue, la réduction des pollutions industrielles, le Système intégré de gestion et de contrôle (SIGC) pour l’agriculture, la sécurité alimentaire, les agences de paiement et l’interconnectivité des systèmes fiscaux et, pour la Bulgarie, la sécurité aérienne. La capacité à gérer les 35 milliards d’euros octroyés sera aussi scrutée avec attention par Bruxelles. Les deux pays entrent donc dans l’UE sous haute surveillance. Et se trouvent sous la menace de « clauses de sauvegarde », qui peuvent être invoquées jusqu’à trois ans après leur adhésion. Ces mesures pourraient consister à interdire les exportations de denrées alimentaires et à réduire les fonds communautaires, comme les fonds structurels et agricoles.
Des mesures transitoires sont aussi prévues comme les restrictions à la libre circulation des travailleurs en provenance des deux Etats. Pour se mettre aux normes européennes, la Roumanie et la Bulgarie ont déjà consenti des sacrifices. Le 31 décembre, Sofia a fermé deux des quatre réacteurs du complexe nucléaire de Kozloduy, symbole de fierté nationale qui compte parmi les plus dangereux au monde selon l’UE. La Bulgarie est ainsi passée du statut de principal exportateur régional d’énergie à celui de pays à peine autosuffisant en électricité. Ce qui pourrait aussi avoir des répercussions dans les pays à qui elle fournit de l’énergie : la Grèce, la Roumanie, la Serbie, la Macédoine ou encore le Kosovo. A compter du 1er janvier 2007, Bucarest s’est engagée à interdire la culture du soja génétiquement modifié (OGM), à supprimer le service militaire et à appliquer un nouveau Code fiscal. Ce dernier prévoit de nouvelles taxes qui vont augmenter de 30% le prix de l’électricité et de 6% celui de l’essence.
Pays pauvres mais en pleine croissance
La Bulgarie est le membre le plus pauvre de l’Union européenne des 27 et, selon une étude du Groupe d’économie appliquée (GEA), sept des quinze régions les plus pauvres de l’UE élargie se trouvent en Roumanie et six en Bulgarie (avec une en Pologne et une en Slovaquie). Les deux pays affichent un PIB par habitant de moins de 4 000 euros, soit un tiers du PIB moyen de l’UE. Ils ne pèseront ensemble que 1% du PIB total de l’Union. Le salaire mensuel moyen dans les deux Etats avoisine les 230 euros. Ce sont deux pays ruraux : l’agriculture y représente encore 10% de la valeur ajoutée, contre 2% chez les Vingt-Cinq. Heureusement, la Bulgarie et la Roumanie bénéficient d’une croissance supérieure à 5% par an, qui devrait se poursuivre grâce aux investissements étrangers ainsi qu’au boom de la demande intérieure et des exportations. Avec leurs faibles coûts de main-d’œuvre et leur proximité géographique, culturelle et juridique par rapport aux pays asiatiques, les deux arrivants devraient faire concurrence à leurs voisins d’Europe centrale.
Les deux pays espèrent aussi profiter de leur entrée dans l’UE pour se positionner sur le marché du tourisme, en vantant notamment leurs plages de sable fin sur la Mer noire. Enfin, les europtimistes mettent en avant la culture et les traditions de ces pays largement orthodoxes, imprégnés de culture musulmane (12% de la population bulgare). La ville roumaine de Sibiu a d’ores et déjà été co-désignée « capitale européenne de la culture » en 2007 avec Luxembourg. En revanche, l’adhésion fait planer des incertitudes sur le plan politique et social. L’intégration des fortes communautés tziganes ou roms pose problème dans les deux pays et, selon certains experts, le consensus politique, qui prévalait dans les deux pays avant l’entrée dans l’UE, pourrait voler en éclat. Serait alors à craindre une montée de l’instabilité politique et des discours populistes, eurosceptiques ou d’extrême-droite.
Après l’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie, l’UE pourrait se refermer pour un temps. Nyrup Rasmussen, président du Parti socialiste européen, pointe une «lassitude à l’égard de l’élargissement». La Croatie ne devrait pas faire son entrée avant 2009 ou 2010. Quant à la Turquie, c’est encore une autre histoire.par Olivia Marsaud
Article publié le 29/12/2006 Dernière mise à jour le 29/12/2006 à 18:16 TU