Editorial politique
Henri Grouès n'est plus. Celui qui appelait à «l'insurrection de la bonté» vient de mourir à l'âge de 94 ans de l'infection pulmonaire pour laquelle il avait été hospitalisé. Il a eu une longue vie. Une vie que l'on dira bien remplie, puisque Henri Grouès n'est autre que celui qui était devenu, depuis 1954, l'Abbé Pierre. Un homme de Dieu, ancien résistant, ancien député et fondateur des compagnons d'Emmaüs, qui a tant fait pour les plus démunis après guerre et qui continuait à faire parce qu'il y a toujours, en France, des hommes et des femmes mal logés ou pas logés du tout. Des hommes et des femmes souffrant du chômage, de la précarité et même du froid et de la faim pour certains, ce qui à ses yeux était tout a fait inadmissible.
L'Abbé Pierre était aussi célèbre qu'un monument de Paris. Aussi connu que la tour Eiffel ou l'Arc de Triomphe ; que l'Opéra ou Notre-Dame de Paris. L'Abbé Pierre était devenu tout simplement un interlocuteur du monde politique. Un émissaire des plus pauvres auprès des plus puissants. Un «go-between», comme disent les Anglais, qui faisait la navette entre les taudis et les palais de la République sans se départir de sa révolte, sans faire de concessions parce qu'il croyait que Dieu est Dieu et l'homme sa créature imparfaite qu'il fallait remettre dans le droit chemin, celui du partage, de l'altruisme, de la générosité et de la dignité... Il avait même trouvé une place au sein de la grande famille des Guignols de l'info qui l'utilisaient chaque fois qu'une injustice était commise en France en lui faisant dire: «c'est pas possible !».... alors qu'il s'en prenait aux plus en vue de nos responsables politiques, ceux, la plupart du temps, qu'il qualifiaient de «têtes de cons», c'est pas possible, qui ne comprenaient rien à la misère et à l'injustice, c’est pas possible...
Qu'on le supporte ou non, il fallait composer avec l'Abbé Pierre. Et plus d'un élu a dû faire des concessions devant la détermination de celui qui se voulait différent et qui s'y connaissait en matière de manipulation des médias pour obtenir gain de cause.
L'Abbé Pierre avait les moyens de faire plier les plus forts parce qu'il parlait avec la gravité d'une sainte âme, même si par ailleurs il avait commis quelques erreurs au nombre desquelles on mettra son soutien à Roger Garaudy, lorsque celui-ci avait été traduit en justice pour négationnisme, ce qui lui avait valu beaucoup de reproches, une certaine méfiance pour la première fois, et son exclusion de la LICRA... Ce qui lui avait fait dire qu'il n'était ni un Dieu, ni un surhomme, mais tout bêtement un homme comme les autres aux doutes, aux erreurs et aux idéaux forts. Un homme qui considérait que la mort n'était pas une fin, mais un renouveau. Pas une séparation , mais une continuation... Que la mort c'était sortir de l'ombre pour entrer dans la lumière...
par Patrice Biancone
[22/01/2007]
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