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Editorial politique

Jean-François Deniau : le départ d’un type bien

Patrice Biancone 

		(Photo RFI)
Patrice Biancone
(Photo RFI)

Si vous cherchez à savoir ce qu'est une belle âme, prenez simplement la peine d'apprendre ou de réapprendre à connaître Jean-François Deniau. Un ex-diplomate en poste en Mauritanie puis dans l'Espagne de Franco. Un ancien ministre de Valéry Giscard d'Estaing doublé d'un académicien et d'un navigateur. Il était tout cela et plus encore. Un de ces hommes, qui, comme l'Abbé Pierre, a su écouter et aimer les autres tout au long de sa vie, au point de leur consacrer du temps, beaucoup de temps. Simplement, son domaine d'intervention était plus étendu que celui de l'Abbé Pierre. Ce dernier s'occupait du quart monde. Il s'était donc emparé du tiers, sans barguigner, lui qui aimait chausser ses bottes de sept lieues.

Jean-François Deniau, en effet, sillonnait la planète en émissaire officieux. Il était partisan du devoir d'ingérence. Il combattait pour les droits de l'homme. Et à plusieurs reprises, il n’a pas hésité à s'interposer physiquement pour éviter le pire et s'imposer ainsi, sans réclamer de reconnaissance particulière, ce qui en faisait, comme le disait hier Jacques Chirac, un extraordinaire combattant de l'idéal.

Mission au Liban. Mission en Afghanistan. Mission dans les Balkans. Mission en Somalie. Mission au Soudan. Ce héros très discret disait qu'il avait sept vies, que c'était une chance, mais que cela ne suffisait pas, pour arrêter toutes les guerres et soulager toutes les misères. Il faut se souvenir de lui, appuyé sur sa canne ou au bras d'un ami, lui attaqué et diminué par la maladie, qui s'en allait encore sur les terres les plus arides pour alerter l'opinion publique de la misère et de la souffrance des peuples. Jamais il n'a renoncé, oubliant jusqu'à sa propre douleur pour lutter contre celle de ses contemporains ; refusant de plier parce qu'homme de devoir et d'engagement, il ne pouvait accepter le sort fait à certains ; inflexible dans sa dénonciation de l'injustice dès lors qu'elle prenait racine et cherchait à s'épanouir.

Jean d'Ormesson, un de ses amis dit de lui, ce matin, que c'était un prince mélancolique et rêveur qui allait décrocher des étoiles dans le ciel pour éclairer sa vie, ce qui explique peut-être sa lucidité, son humilité ; ce qui aura peut-être pour conséquence de laisser un chemin lumineux et balisé que d'autres pourront emprunter pour poursuivre son combat.

Jean-François Deniau aimait son prochain. Il aimait les livres et il aimait la mer. Il était à la fois très actif et très contemplatif. Il était homme, très modestement, déclaré Immortel parce qu'académicien, ce qui le faisait sourire parce qu'il savait que la maladie aurait, un jour, le dessus sur la vie. Mais surtout, il était navigateur un peu perdu à terre où la vie est souvent plus rude que sur l'océan. Un capitaine dont la seule boussole était le courage inflexible, ce qui n'empêche pas les blessures. Un homme dont on dit simplement, alors qu'il s'éloigne : c'était un type bien.


par Patrice  Biancone

[25/01/2007]

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