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Environnement

Surpêche et CO2 : la mer crie au secours!

Selon les scientifiques, les baleines ne sont pas les seules en danger parmi les espèces d'eaux profondes. 

		(Photo : AFP)
Selon les scientifiques, les baleines ne sont pas les seules en danger parmi les espèces d'eaux profondes.
(Photo : AFP)
Tokyo accueille, jusqu’à jeudi, une conférence internationale dont l’objectif est de «dépassionner» le débat sur la chasse aux cétacés, une réunion boycottée par 26 pays. Un moratoire sur la chasse commerciale à la baleine, décidé par la Commission baleinière internationale (CBI) est en vigueur depuis 1986. Les autorités japonaises considèrent que ce moratoire n’a plus de raison d’être, étant donné que certaines espèces se sont suffisamment reconstituées pour recommencer à être chassées.

Les Japonais sont décidés à reprendre la pêche commerciale à la baleine, interdite depuis 1986 par la Commission baleinière internationale (CBI), et veulent doubler les prises de baleines de Minke (petits rorquals) en passant de 440 à 850 par an. Pour ce faire, ils contournent le moratoire en invoquant une clause qui autorise des prises à des fins scientifiques. Le Japon a décidé d’accueillir une réunion extraordinaire des membres de la CBI pour préparer le prochain rendez-vous annuel, en juin. Il faut, selon Koji Morishita, chargé des négociations internationales à l’Agence des pêches japonaises, «ramener la normalité et la raison à la CBI». La réunion a donc pour but de renouer le dialogue entre les membres de la CBI, divisés entre adversaires et partisans de la reprise de la pêche commerciale. Toutefois, les autorités japonaises ont dû admettre le boycott de près de la moitié des membres de la CBI : seuls trente-quatre sur soixante-douze se sont présentés.

«La baleine, je peux m’en passer», explique Yuji Sasaki, qui travaille pour une entreprise de marketing et qui poursuit : «Le thon a bien plus de goût». De facto, l’engouement des Nippons pour la baleine serait presque tombé en désuétude si on se fie aux chiffres : les stocks de viande de baleine s’élevaient, en novembre dernier, à 4 403 tonnes contre 3 634 tonnes, fin 2005. Il semblerait que les restaurateurs aient de plus en plus de mal à écouler ses stocks. Les Japonais ont été amateurs de baleine, chair riche en protéines, lors de la Seconde Guerre mondiale, c’est-à-dire «à une époque où il n’y avait pas de choix», explique Yoko Tomiyama, présidente de l’Union japonaise des consommateurs. Mais, actuellement, les sushis à base de thon remportent davantage de succès que les mets à base de cétacé –ce qui, par ailleurs, menace les stocks de thon d’extinction commerciale si cette pêche continue sur les mêmes cadences.

De la baleine, version hamburger

 «Si vous servez uniquement de la baleine crue, les jeunes ne vont pas en manger», explique Ichira qui propose des sandwiches de viande de baleine assortie de salade et de ketchup. Le gouvernement assure, de son côté, la promotion de cette viande en l’introduisant au menu des cantines de certaines écoles primaires, ce qui n’est pas plébiscité par tous les Japonais : «L’alimentation est un choix privé. Nous ne pensons pas que le gouvernement devrait interférer, financer et promouvoir la baleine dans les écoles», plaide Yoko Tomiyama. En fait, aux yeux des nationalistes, la baleine est une denrée traditionnelle, emblématique d’un mode de vie séculaire. De là à considérer que Tokyo défend la chasse aux cétacés davantage au nom d’un principe politique que d'une motivation économique, il n’y a qu’un pas.

En dépit du moratoire sur la pêche à la baleine, qui a permis à certaines populations de baleines de se reconstituer, ce mammifère reste encore menacé, selon un rapport de Greenpeace, de même que les dauphins dont certaines espèces, notamment en mer de Chine, pourraient carrément disparaître d’ici 10 ans. Mais ces grands mammifères marins ne sont pas les seuls. Tout récemment, en janvier, l’alerte a également été donnée sur les stocks de thon qui sont, à terme, menacés d’extinction commerciale si les pêches ne sont pas davantage contrôlées : cinq organismes internationaux, chargés de réguler la pêche au thon et représentant plus de soixante pays, s’étaient réunis à Kobé, un grand port de pêche situé sur la côte ouest nipponne. Les scientifiques de la Commission internationale de conservation des thonidés d’Atlantique dénonçaient, par exemple, 50 000 tonnes de captures effectives entre 2003-2006, alors que l’exploitation était limitée sur cette période à un quota de 32 000 tonnes.

Le Japon n’est pas le seul mauvais élève de la planète. Respecter l’exploitation durable des ressources revient comme un leitmotiv : d’autres pays asiatiques comme l’Indonésie, Taïwan et l’Inde restent, par exemple, en tête des pêches mondiales des captures de requins. Shark alliance, qui regroupe plus de vingt associations non gouvernementales luttant pour la survie des requins et l’Association pour l’étude et la conservation des sélaciens ont tiré, lundi 29 janvier, la sonnette d’alarme au Museum national d’histoire naturelle pour dénoncer une situation jugée catastrophique. Plusieurs dizaines de millions de tonnes sont prélevées chaque année, et l’Europe participe aussi à cet énorme gâchis de la biodiversité : les requins les plus consommés sont la petite roussette, l’aiguillat commun, l’émissolle et le requin-taupe.

Des océans de plus en plus acides

Le Comité d’examen des évaluations scientifiques du Pacifique (CEESP) a livré un état des lieux alarmant pour la planète : si l’on continue à pêcher sans respecter les quotas, les poissons pourraient disparaître des océans d’ici un demi-siècle. La revue Proceedings of the National Academy of Sciences pointait, en novembre, d’autres dégâts engendrés par l’activité humaine : ainsi, le dioxyde de carbone, qui est lié à cette activité, se stocke très profondément dans les océans, plus profondément encore qu’on ne pensait et rend les océans de plus en plus acides. Cette acidité, expliquent les chercheurs, attaque tous les squelettes et les coquilles de carbonate de calcium fabriqués par les créatures marines, comme les coraux des profondeurs.

Le phénomène d’augmentation des gaz à effet de serre s’est accéléré, notamment, dans l’océan Arctique et pourrait, selon les recherches du professeur norvégien Richard Bellerby, de l’université de Bergen, conduire, par exemple, à la disparition du plancton, ce qui modifiera  tout l’écosystème, si des mesures drastiques ne sont pas prises pour ralentir la course du réchauffement climatique. Toutes les données fournies par les experts et les scientifiques de différents pays qui s’étaient réunis en Norvège à Tromsoe (nord), en janvier dernier, pour une conférence sur l’Arctique, Artic Frontiers vont dans le même sens : les océans et leur faune sont menacés.

par Dominique  Raizon

Article publié le 13/02/2007 Dernière mise à jour le 13/02/2007 à 17:19 TU