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Editorial politique

Maurice Papon : la mort d’un coupable

Patrice Biancone 

		(Photo RFI)
Patrice Biancone
(Photo RFI)

Voilà un homme qui aura tout connu : les honneurs de la République, ceux de l'avoir servi comme haut fonctionnaire, puis comme élu, puis comme ministre. Et la honte tardive d'avoir, à une période de sa vie, poussé la logique de sa fonction jusqu'à l'insupportable, en signant pendant la guerre des documents qui envoyèrent à la mort 1 690 hommes, femmes et enfants, des juifs de Bordeaux, «parce que j'obéissais aux ordres» a expliqué Maurice Papon à la justice qui l’a rattrapé et lui a demandé des comptes en 1997. «Parce que ces ordres venaient de Vichy. Et que démissionner, c'était déserter et être remplacé par quelqu'un de pire...»

Toujours cette thèse, celle du bouclier. Le haut fonctionnaire serait irréprochable puisqu'il n'aurait rien fait d'autre que de servir l'Etat, ce que l'Etat lui réclamait et ce que l'Etat aurait d'ailleurs reconnu puisqu'il l'a élevé au rang de commandeur de la Légion d'honneur, avant de s'en mordre les doigts, et de lui retirer sa distinction. Maurice Papon était le seul haut fonctionnaire français condamné pour complicité de crimes contre l'humanité. Il n'a jamais exprimé de regrets. Il a toujours clamé ses certitudes, ce que ses avocats rappellent aujourd'hui pour expliquer le choix de l'enterrer avec sa croix de commandeur de la Légion d'honneur, ce qui a provoqué un débat indigné et une prise de position de la plupart des responsables politiques contre ce qu'ils dénoncent comme une tentative de réhabilitation posthume.

«Volonté choquante» a dit Bernard Accoyer, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale. «Maurice Papon est mort vieux et libre mais sans honneur, c'est le symbole de la collaboration de l'Etat français qui disparaît» a surenchéri François Hollande. Quant à Valéry Giscard d'Estaing, qui en avait fait un ministre du Budget, il a rappelé qu'à l'époque de la désignation de Maurice Papon, en 1978, Raymond Barre, son Premier ministre, et lui-même, ignoraient tout de son passé...

Curieux Etat que celui qui ignore si longtemps des actes aussi graves commis par un de ses importants serviteurs. Curieux Etat que celui qui préfère oublier au nom de l'unité nationale, plutôt que de faire la part entre le bon et le mauvais, entre l'ombre et la lumière. C'est Charles de Gaulle, en 1962, qui avait décoré Maurice Papon. Le président de la République reconnaissait alors, non pas le secrétaire général de la préfecture de Gironde pendant la Seconde Guerre mondiale, mais le préfet de police de Paris qui s'était notamment illustré lors de la répression de la manifestation FLN d'octobre 1961...

Après cela, après cette onction en quelque sorte, celle de l'ancien chef de la France libre, on pourrait presque comprendre que Maurice Papon ait toujours fait preuve d'une morgue insultante pour les familles des victimes et finalement pour l'Etat français dont, pour une fois dans sa vie, il n'acceptait plus les décisions, comme quoi, même haut fonctionnaire dans l'âme, on conserve toujours un libre arbitre qui peut vous pousser à dire non... Ce que n'a pas fait Maurice Papon, à Bordeaux, entre 1942 et 1944, flétrissant ainsi son nom et celui de la France qu'il voulait représenter.


par Patrice  Biancone

[19/02/2007]

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