La crise alimentaire, une histoire de brut

Dominique Baillard
(Photo : RFI)

Mettre de l’huile de colza dans le réservoir à la place du pétrole pour faire rouler les voitures est un procédé qui a longtemps fait rêver les écologistes. Lorsque le pétrole a commencé à s’envoler – c’est-à-dire il y a environ trois ans – c'est devenu une alternative viable sur le plan économique. Les gouvernants se sont empressés d’encourager cette filière parée de toutes les vertus. Les usines ont poussé comme des champignons et les agriculteurs ont mis les bouchées doubles pour répondre à cette demande providentielle.

Voilà comment la corrélation entre le cours du pétrole et ceux des produits agricoles s’est installée dans le quotidien des marchés. Plus le pétrole grimpe, plus les biocarburants deviennent compétitifs, par conséquent, les matières à partir desquels ils sont fabriqués se valorisent. Le colza comme la plupart des oléagineux destinés aux biodiesel se sont envolés, le maïs et dans une moindre mesure le blé, tous deux utilisés pour l’éthanol, ont pris le même ascenseur. Le passage aux biocarburants de seconde génération issus de la biomasse et encore dans les limbes, fera peut-être retomber la pression. Il est moins sûr que l’interaction entre pétrole et produits agricoles ne disparaisse pour autant car elle n’est pas née avec l’essor des biocarburants.

Le développement de l'agriculture intensive est intimement lié à l'industrie pétrolière : il faut des fertilisants fabriqués par la pétrochimie pour augmenter les rendements, du fioul pour les tracteurs ou pour les camions et les bateaux qui acheminent les marchandises. La hausse du pétrole surenchérit donc systématiquement les coûts des grandes cultures. La compétition entre production à vocation alimentaire et production à vocation énergétique n'a fait que rendre ce lien plus visible. La secrétaire d'Etat Condoleezza Rice reconnaît « nous avons un problème d'énergie et nous avons un problème d'alimentation. Il y a des relations entre les deux ». C'est précisément ce qu'illustre l'évolution des cours. Depuis 2003, le prix du pétrole comme ceux des principales denrées de base, le riz, le maïs ou les huiles n'arrêtent pas de grimper.

par Dominique  Baillard

[24/04/2008]