Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Cinéma

Daniel Auteuil, acteur à vie

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 07/06/2007 Dernière mise à jour le 07/06/2007 à 18:40 TU

(Copyright : Studio Canal)

(Copyright : Studio Canal)

Il n’a pas ce que l’on appelle un physique de jeune premier et pourtant, il tourne. Et plutôt beaucoup. Il est même à 57 ans l’un des acteurs les plus demandés du cinéma français. L’un des plus grands aussi. Depuis le 6 juin, il est à l’affiche du nouveau film de Jean Becker, Dialogue avec mon jardinier aux côtés de Jean-Pierre Darroussin auquel Daniel Auteuil donne donc la réplique, pour un face à face inédit. Dans ce film «à la campagne», le premier cultive son jardin avec philosophie tandis que le second, peintre de son état, regarde ses toiles, et accessoirement, sa vie, avec circonspection. L’occasion trop belle de faire le point sur son parcours à lui, Daniel Auteuil, d’acteur incontournable et pour ainsi dire sans reproche. Des comédies lestes aux rôles de taiseux, dialogue avec un excellent comédien habité par le goût des autres.

Deuxième étage d’un palace flambant neuf récemment inauguré sur les Champs-Elysées. C’est là, dans le confort insonorisé et feutré d’une suite, que les protagonistes de Dialogue avec mon jardinier reçoivent la presse, passant d’une chambre à l’autre avec la docilité, la simplicité des gens polis. Embarqués dans ce mouvement de balancier, Jean-Pierre Darroussin et Daniel Auteuil aussi courtois et détendus l’un que l’autre et apparemment revenus de leur première expérience commune au cinéma sinon complices, du moins prévenants l’un envers l’autre. C’est donc avec un naturel presque surnaturel que Daniel Auteuil change, tous les quarts d’heure, de partenaire, accort néanmoins avec chacun. Interview au chronomètre que l’on aurait préférée au kilomètre car pour être du genre discret, Daniel Auteuil n’est pas pour autant du style à tourner le dos aux questions. Et quitte à tenter l’esquisse d’un portrait, pas meilleur modèle qu‘un peintre, celui qu’il campe dans le film de Jean Becker, de retour dans la maison de famille à la suite du décès de sa mère. C’est là, entre le toit à refaire et son couple qui se défait, qu’il retrouve son copain d’enfance, venu proposer ses services pour rafraîchir la pelouse et s’occuper du potager. Paradoxalement, ce n’est pas tant ce rôle de peintre en crise, le sien, qui l’a amené à accepter le scénario de Dialogue avec mon jardinier que l’autre, celui du titre : «J’ai eu envie de passer un peu de temps avec ce jardinier. Il y avait des choses le concernant qui me plaisaient comme d’accompagner ce type vers sa mort, en douceur alors que moi, il me restait, après, le choix d’aller vers la vie». Le plus beau rôle, c’est effectivement Jean-Pierre Darroussin qui l’endosse avec la complicité de son partenaire car Daniel Auteuil voit d’abord le cinéma comme une histoire de rencontres plutôt que d’ego : «Il y a des tas de raisons pour accepter un rôle. Parmi celles-ci, le plaisir de rencontrer des camarades avec lesquels on n‘a jamais joué, qu’on admire et qu’on aime. Et là avec Jean-Pierre Darroussin, il y avait ce plaisir de partager, ce plaisir pur de jouer».

(Copyright : Studio Canal)
(Copyright : Studio Canal)

«Je choisis des rôles qui m’empêchent de dormir»

Jouer, le carburant, l’élan vital de ce comédien tombé «dedans» dès son plus jeune âge. Des parents chanteurs lyriques, une première apparition sur scène à 4 ans dans la culotte courte du fils de madame Butterfly, une vie de bohême jusqu’à l’installation familiale à Avignon, terre de théâtre s’il en est, bref chez lui, «jouer, c’est une seconde nature». Et un bonheur intact, inusable. A 57 ans, il voit mal comment il pourrait «se passer de ce métier qui [le] passionne, qu’[il] adore. Je serais peintre, je peindrais toute la journée, je serais sculpteur, je sculpterais toute la journée. Je suis acteur, je joue le plus possible». A raison de deux à trois rôles chaque année et cela, depuis vingt ans. Après Dialogue avec mon jardinier, il sera à la rentrée dans Le deuxième souffle d’Alain Corneau puis, dans la foulée, à l’affiche du nouveau film d’Olivier Marchal, RMR 73. Des choix, explique-t-il, qui «[l’] empêchent de dormir. Quand je fais Le deuxième souffle et que je passe derrière Lino Ventura, j’ai plutôt intérêt à assurer. Quand on refait avec Olivier Marchal un film policier alors que le premier (36 Quai des orfèvres) a eu beaucoup de succès, derrière il y a une obligation de se réinventer, de surprendre le metteur en scène et de se surprendre soi-même». En clair, Daniel Auteuil n’est pas disposé à se reposer sur ses lauriers d’acteur labellisé «qualité française». Peut-être aussi parce qu’il lui aura fallu attendre d’avoir dépassé la trentaine pour cesser de jouer les pitres. 

Jean de Florette, la césure

DR
DR

Ses débuts au cinéma, au mitan des années 70, sont en effet placés sous le signe de la comédie. Emblématique de cette période fertile en films inoubliables, Les sous-doués de Claude Zidi en 1980. T’empêches tout le monde de dormir, Que les gros salaires lèvent le doigt, Pour cent briques t’as plus rien, Les hommes préfèrent les grosses, autant de titres qui fleurent bon l’adolescence attardée et qu’aujourd’hui encore, Daniel Auteuil assume sans l’ombre d’une hésitation, «je revendique absolument tous les films que j’ai faits, tous les personnages. Ils m’ont tous apporté quelque chose. Même les trucs pas terribles dans lesquels je tournais quand j’étais jeune homme m’ont permis d’avancer». La culture du navet prendra fin avec Claude Berri qui, en 1992, lui offre ce rôle dramatique sans lequel un acteur comique en France ne saurait être pris au sérieux. Daniel Auteuil devient Ugolin dans Jean de Florette, aux côtés d’Yves Montand et de Gérard Depardieu. Il décroche le César du meilleur acteur et, partant, son laisser-passer pour les sommets. Enfin car, se souvient l’intéressé, «je savais qu’à talent égal, la chance, elle, n’est pas égale. Je savais que c’était une question d’opportunité, de rencontre et je me disais que ça pouvait ne jamais arriver. J’en étais malheureux mais je me disais que si un jour, ça arrivait, je saurais quoi faire. Et depuis c’est ce que je fais».

DR

Devant la caméra des classiques du cinéma français, les André Téchiné, Patrice Chéreau, Michel Deville et Claude Sautet avec lequel, entre autres, Daniel Auteuil creuse une veine autiste qui prendra fin en 2001 avec L’adversaire de Nicole Garcia. Dans Un cœur en hiver, il campe, par exemple, un type incapable de sentiments et pas franchement causant, un rôle d’introverti presque absent qu’il va décliner à l’envi au point d’éclipser tous les autres. «Bien souvent dans ces personnages, poursuit-il, il y a une richesse, des trucs pas faciles à faire qui sont excitants. Mais après L’adversaire, je me suis dit qu’on ne pouvait pas aller plus loin, sauf à passer à des films de genre. C’est pourquoi j’ai cessé de les faire, ces personnages. Il n’y en a plus de cet ordre-là». La cinquantaine, pour Daniel Auteuil, paraît effectivement moins désastreuse, de ce point de vue, que la décennie précédente, à première vue «repoussante». Autant dire que du talent, il en faut pour rester malgré tout populaire.

«Le cinéma est moins embourgeoisé que le théâtre»

 «Les fourberies de Scapin» de Molière, Avignon, 10 juillet 1990, Daniel Auteuil dans le rôle de Scapin. (Photo : AFP)
«Les fourberies de Scapin» de Molière, Avignon, 10 juillet 1990, Daniel Auteuil dans le rôle de Scapin.
(Photo : AFP)

Un talent que Daniel Auteuil met au service du 7e Art presque exclusivement. Le cœur de cet enfant des planches ne brûle en effet que pour le cinéma. Certes, on le verra au tout début de l’année prochaine au théâtre de l’Odéon, à Paris, dans L’école des femmes de Molière, mais ses détours par la scène demeurent rares. Un comble pour celui qui fit ses débuts, dans les années 70, au théâtre et qui rafla en 1979, le prix Gérard-Philippe, récompensant le meilleur jeune acteur de l’année, pour son interprétation dans Coup de chapeau, aux côtés de François Périer. Reste qu’en bientôt trente ans, ses incursions au théâtre se comptent sur les doigts des deux mains. «J’adore le cinéma, se justifie-t-il, j’adore la vie qu’il me donne. C’est une industrie mais en même temps le cinéma est moins embourgeoisé que le théâtre, c’est-à-dire qu’il y a quelque chose de plus gîtant. On est dans la rue, au milieu des voitures et il faut arracher une scène extrêmement compliquée, c’est ça qui me plaît dans le cinéma». Ce plaisir de l’instant si cher, semble-t-il, à Daniel Auteuil qui aime sans réserve «tout ce qui rime avec le cinéma, le rythme de vie totalement atypique, comme se lever à 5 heures, changer de lieu tous les jours. Ces morceaux de vie arrachés tous les jours, oubliés le lendemain. Cette espèce de liberté de donner juste des bouts d’instant dont les autres s’arrangeront pour faire une film, ça me va bien». Jusqu’à cette caméra, insiste-t-il, que «j’ai réussi à dominer, je ne sais pas, maîtriser je n’en sais rien mais avec laquelle j’ai réussi à établir une complicité». Inutile d’insister, Daniel Auteuil file le parfait amour avec la pellicule, même pas tenté par la réalisation, comme tant de ses collègues, tout juste troublé par «ces drôles de déformations», comme il les appelle, liées au métier d’acteur comme celle, continue-t-il, «de dépendre toujours du désir de l’autre, d’être incapable de susciter un projet personnel. Un projet personnel ne tient pas s’il n’est pas relayé par quelqu’un d’autre. Je deviens tout à fait épatant à partir du moment où on m’a choisi et où je peux aider tout le monde». Ne serait-ce point là, finalement, dans cette peur du vide, du creux, peut-être même de l’ennui, qu’il faudrait chercher son vrai moteur ? A la veille d’entamer un nouveau tournage, Daniel Auteuil ne voit, en tout cas, aucune raison de lever le pied. «Trois films par an, ça laisse du temps pour aller cultiver son jardin, explique-t-il, ce film-là, Dialogue avec mon jardinier, a pris six semaines, vous imaginez si je ne faisais qu’un film par an, il resterait plus de 40 semaines, non, non ce n’est pas possible».

Daniel Auteuil a beau être un jeune marié, le temps de remiser les masques n’est visiblement pas venu. Il faut dire qu’avec son aptitude à se glisser dans toutes les peaux, les séductrices comme des laides, les solaires comme les fades, les pires comme les meilleures, sa galerie de portraits peut se décliner jusqu’à plus soif. Ce qui s’appelle trinquer au bonheur de jouer.  

(Copyright : Studio Canal)
(Copyright : Studio Canal)

portrait

Théâtre

(Photo : Cosimo Mirco Magliocca)

Catherine Hiegel : «J’apprivoise les planches»

La comédienne monte L’Avare à la Comédie-Française. Des retrouvailles avec Molière, un auteur qu’elle a joué et mis en scène à maintes reprises en quarante ans de maison. Doyen du Français, Catherine Hiegel se définit avant tout comme « une travailleuse acharnée ». Voire obstinée.

14/10/2009 à 08:41 TU

Rentrée littéraire

Marie NDiaye(Photo : C. Hélie/ Gallimard)

Marie Ndiaye, une écrivaine atypique

Quotidiens, magazines, critiques... Tous font du nouveau roman de la Française l'un des événements de la rentrée 2009. Trois femmes puissantes (Gallimard) est le titre de ce nouveau récit qui entrecroise trois destins de femmes entre l'Afrique et l'Europe. Rencontre avec une auteure à part.   

31/08/2009 à 08:38 TU

Cinéma

© Studio Canal

Sandrine Bonnaire, sans fard et sans reproches

Elle illumine ce début de mois d’août où on la retrouve à l’affiche de Joueuse, le premier long-métrage de Caroline Bottaro. Elle c’est Sandrine Bonnaire, la talentueuse actrice française révélé dans A nos amours de Maurice Pialat. Rencontre.

14/08/2009 à 13:22 TU

Photographie

Ferdinando Scianna.(Photo : E. Scianna)

Ferdinando Scianna : hommage à ses compagnons de voyage

Le photographe italien occupe le premier étage de la Maison européenne de la photographie, à Paris, où est présentée une rétrospective de son œuvre intitulée La géométrie et la passion. La première jamais montée en France. Quand l’image se fait histoire, rencontre avec un conteur aux accents siciliens.

31/07/2009 à 13:48 TU

Rencontres d'Arles

Robert Delpire© Sarah Moon

Robert Delpire, passeur d’images

Editeur, organisateur d’expositions, Robert Delpire est à l’honneur des 40e Rencontres photographiques d’Arles (7 juillet-30 septembre). A 83 ans, il est l’une des personnalités incontournables de l’histoire de la photographie. Retour sur soixante ans d’un album photos riche en découvertes.

13/07/2009 à 07:15 TU

Littérature

© Grasset

Michel Le Bris, l’homme aux semelles de vent

Du 30 mai au 1er juin, le festival Etonnants Voyageurs fête ses vingt ans d’existence. L’occasion de pousser sur le devant de la scène, son président et fondateur, Michel Le Bris, 65 ans, qui publie par ailleurs une autobiographie, Nous ne sommes pas d’ici. Aux éditions Grasset.

29/05/2009 à 13:17 TU

Littérature

(Photo : J. Sassier/ Gallimard)

Chamoiseau ou portrait de l’artiste en militant de la créolisation

L'écrivain martiniquais publie un nouveau roman, Les neuf consciences du Malfini. Si l'ancien Prix Goncourt - c'était en 1992 pour Texaco - poursuit son oeuvre littéraire, il n'en reste pas moins un ardent militant de la cause créole. Retour sur un parcours entre poétique et politique.  

11/05/2009 à 14:49 TU

Photographie

Marc Riboud© Martin Argyroglo

Marc Riboud : «Je n’ai pas arrêté de faire des photos»

Qu’on se le dise : Marc Riboud, 85 ans, est toujours aussi curieux. Cinquante ans à sillonner les routes du monde entier n’ont pas entamé son envie de photographier… et encore moins de parler. Le micro allumé, les anecdotes foisonnent.

01/04/2009 à 15:36 TU

Salon du livre

© Gallimard

Carlos Fuentes, romancier de la ville et du temps

Locomotive de la délégation mexicaine invitée, cette année, du salon du livre de Paris, Carlos Fuentes est l'une des principales vedettes de cette 29e édition. A 80 ans, il publie un recueil de nouvelles, Le Bonheur des famille. Portrait d'un patriarche. 

16/03/2009 à 08:33 TU

Cinéma

Miou-Miou(Photo : Elisabeth Bouvet/ RFI)

Miou-Miou : la vie devant soi

L’actrice française est à l’affiche d’un premier film, Pour un fils, sur les écrans à partir de ce 4 mars. Quarante ans après ses débuts sur les planches du Café de la Gare, Miou-Miou ne cultive pas la nostalgie. A 59 ans, elle préfère parler de ses projets plutôt que d’égrener ses souvenirs.  

13/03/2009 à 08:53 TU