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Photographie

Rodin en images

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 07/01/2008 Dernière mise à jour le 10/01/2008 à 15:28 TU

D. Freuler, Main gauche de Bourgeois de Calais suspendue à un support 
© musée Rodin, Paris, 2007

D. Freuler, Main gauche de Bourgeois de Calais suspendue à un support
© musée Rodin, Paris, 2007

Si Auguste Rodin (1840-1917) ne s’est pas adonné à proprement parlé à la photographie, le sculpteur s’est toutefois laissé apprivoiser par ce nouveau medium apparu un an avant sa naissance. Apprivoiser puis séduire au point d’avoir, au fur et à mesure que la notoriété de Rodin prenait de l’ampleur, utilisé la photographie comme vecteur de diffusion de ses œuvres, et donc de reconnaissance. De 1870 à sa mort, c’est finalement l’histoire tant biographique qu’artistique du père du Penseur qui se déploie sous nos yeux, depuis ses débuts modestes dans un atelier parisien qui ressemble à un bouiboui jusqu’à son installation dans une grande villa à Meudon et les visites répétées de certains photographes américains tels que Steichen. Au total, ce sont plus de 7 000 images qui sont, durant ce presque demi-siècle, rassemblées par Rodin.  

Mais c’est vrai, rappelle exposition, que le premier réflexe du sculpteur français s’apparente à une sorte de réticence à l’égard de ce moyen d’expression qu’il juge définitivement inférieur : « C’est l’artiste qui est véridique et c’est la photographie qui est menteuse », écrit-il. Pourtant, avec la commande qui lui est passée, en 1880, concernant La porte de l’Enfer, il décide d’inviter des photographes dans son atelier. Des inconnus, au tout début, ses moyens ne lui permettant pas de s’offrir le nec plus ultra.

Eugène Druet, Le Baiser, vers 1898 
 © musée Rodin, Paris, 2007

Eugène Druet, Le Baiser, vers 1898
© musée Rodin, Paris, 2007

Ce qui n’enlève rien à l’intensité de ces premiers clichés signés Victor Pannelier, photographe habitant à deux pas de l’atelier de Rodin, boulevard de Vaugirard. Viendra ensuite Eugène Druet qui sera son collaborateur attitré (et docile) et avec lequel le sculpteur tissera une relation à la fois fructueuse et difficile. Témoin de cette entente intraitable, l’exposition de l’Alma en 1900, date essentielle dans la carrière de l’artiste, où tout un pan de mur est réservé aux photographies de Druet montrant des détails des œuvres, façon work in progress. Pan de mur que l’exposition permet aujourd’hui de revoir et, partant, d’apprécier l’usage certes publicitaire mais aussi de vulgarisation que Rodin fait désormais de ce support.

1900, un tournant pour Rodin. Pour la photographie également qui aborde l’un des premiers grands mouvements esthétiques de sa courte histoire, le pictorialisme. Les représentants de cette école frappent à leur tour à la porte de l’atelier de Rodin, installé maintenant à Meudon, près de Paris. Il ne s’agit plus cette fois ni d’amateurs ni de professionnels, au sens où ils ont fait de la photographie leur métier, mais d’artistes à part entière. Les sculptures de Rodin ne sont plus seulement reproduites, elles sont mises en scène, magnifiées.  

Edward Steichen, Towards the light- Midnight, 1908
© musée Rodin, Paris, 2007

Edward Steichen, Towards the light- Midnight, 1908
© musée Rodin, Paris, 2007

Parmi ces artistes, les Anglais Stephen Haweis et Henry Coles, le Français Jean Limet et surtout l’Américain Edward Steichen qui restera près d’un an à fréquenter assidument l’atelier. L’image de la sculpture, et non plus la sculpture, devient le motif du travail de tous ces jeunes gens. On pense notamment à la somptueuse, quasi irréelle série que Steichen réalisera en 1908 autour de la statue de Balzac, la photographiant de nuit et à intervalles réguliers, ce qui confère à l’œuvre un mystère, une beauté, une force assez saisissantes.

Il faudrait encore évoquer, surtout sur le tard (sa notoriété l’autorisant désormais à se laisser photographier lui aussi), les impressionnants portraits d’Auguste Rodin, du massif Auguste Rodin, longue barbe drue et profil d’une puissance qui donnera à Steichen, encore lui, l’idée de ce photomontage où l’on reconnait sur la gauche la silhouette imposante du sculpteur faisant face à l’une de ses œuvres les plus célèbres, Le Penseur, l’une et l’autre sombres et placés devant le buste tourmenté de Victor Hugo, qui jaillit, en arrière-plan dans une lumière plus claire, presque blanche. Magique !

Jacques-Ernest Bulloz, Vue d'ensemble de l'atelier de Meudon, 1904 - 1905

© musée Rodin, Paris, 2007

Jacques-Ernest Bulloz, Vue d'ensemble de l'atelier de Meudon, 1904 - 1905
© musée Rodin, Paris, 2007

Rodin et la photographie, au musée Rodin à Paris jusqu’au 2 mars.