par Elisabeth Bouvet
Article publié le 04/02/2008 Dernière mise à jour le 14/02/2008 à 10:14 TU
Joseph-Noël Silvestre « Le sac de Rome par les barbares en 410 », 1890, Huile sur toile.
Musée Paul Valery, Sète, France
Une histoire de 1 000 ans sur 3 étages et en quelque 2 000 pièces, c’est ce que propose Rome et les Barbares, la naissance d’un nouveau monde, titre de l’exposition qui se tient jusqu’au 20 juillet prochain au Palazzo Grassi à Venise, en Italie. Et qui vise à bousculer les idées reçues concernant le fameux déclin de l’Empire romain dont la responsabilité en reviendrait aux brutaux, sauvages et forcément incultes ennemis, ces Barbares qui piaffaient de l’autre côté de l'immense frontière dessinée par le Rhin et le Danube. Les 28 chapitres qui composent l’exposition font au contraire la preuve de l’enrichissement de cette confrontation, de ces affrontements depuis la première défaite romaine face aux Germains dans la forêt de Teutobourg, en 9 après notre ère jusqu’à la naissance en 962 du Saint Empire romain germanique dont on notera le double héritage, symbolique du propos de l’exposition. Les différents objets réunis, provenant de dizaines de musées européens et tunisien, confirment que durant ce millénaire une civilisation nouvelle s’est bel et bien mise en place. La civilisation européenne.
Croix votive wisigothique, Provenance : Guarrazar VII s. après J.C.
Or et pierres précieuses.
Musée national du Moyen Age - Thermes et Hôtel de Cluny, Paris, France
« Loin d’être la fin de tout, ce basculement constitue le point de départ d’une nouvelle histoire et cette immigration salutaire, aussi mal gérée qu’elle fut alors, a constitué une donnée essentielle de la richesse de l’Occident », explique Monique Veaute, directeur général du Palazzo Grassi dans sa présentation de Rome et les Barbares. Et de fait, qu’il s’agisse de la religion, de l’architecture, de la sculpture, des ustensiles domestiques, des bijoux ou encore des armes, le visiteur découvre comment peu à peu les uns influencent les autres. Et réciproquement. Bien loin, le temps (qui ouvre l’exposition) où les Romains n’ambitionnaient que de conquérir et de soumettre les Barbares. Qu’elles viennent d’Asie du nord, d’Europe centrale ou de l’Irlande celtique, les diverses influences finissent au contraire par cohabiter dans une sorte de synchrétisme original. L’historien italien Alessandro Barbero de rappeler dans Le jour des Barbares (Flammarion, 2006) que « l’empire romain était déjà en soi un empire multi-ethnique, un creuset de langues, de races, de religions et il était parfaitement à même d’absorber une immigration massive sans être pour autant déstabilisé ». Parmi les centaines de pièces présentées, l’une, de ce point de vue, retient plus particulièrement notre attention : il s’agit du Glossaire d’Epinal, premier dictionnaire latino-anglais que l’histoire nous ait légué et qui date de 734.
Les dernières salles de l’exposition s’intéressent plus particulièrement au rôle de l’Eglise, « seule capable d’unifier le continent », peut-on lire. Quoi qu'il en soit, en ces temps de repli, de peur et de reflux des immigrés, Rome et les Barbares invite à une propice réflexion sur le bienfait des échanges et d’une certaine forme de porosité. On aurait juste apprécié que cette louable méditation s’accompagne de plus d’explications. A entendre les commentaires des Italiens, cette attention toute pédagogique n’aurait pas été complètement superfétatoire. Surtout au regard du nombre de pièces présentées et du réseau de musées mobilisés.
kézako
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