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Arts

Georges Rouault : retour aux sources

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 08/09/2008 Dernière mise à jour le 08/09/2008 à 08:39 TU

Georges Rouault - <em>Clown </em>(1910-1913)(Centre Pompidou © Adagp, 2008)

Georges Rouault - Clown (1910-1913)
(Centre Pompidou © Adagp, 2008)

Entre Simone de Beauvoir et Olivier Messiaen, Georges Rouault (1871-1958), autre figure à laquelle l’année 2008 rend hommage pour cause de commémoration. Premier à se souvenir du cinquantième anniversaire de la disparition du peintre français, le centre Pompidou, à Paris qui pour marquer l’événement présente L’effervescence des débuts, une exposition modeste qui, en 25 pièces, revient aux origines.

Des origines qui remontent au Salon d’automne de 1905 marqué par l’irruption du Fauvisme. Avec d’un côté « la cage aux fauves », selon l’expression du critique d’art Louis Vauxcelles évoquant les œuvres de Matisse, Derain et Braque et de l’autre, dans une salle à part, cinq toiles de leur ami Georges Rouault dont la palette, plus obscure (plus proche de Toulouse-Lautrec que des couleurs pures des fauves), et le trait, plus épais, l’isole de ses camarades d’atelier même si tous se retrouvent dans cette volonté de recréer le réel à l’aune de ses propres sensations. C’est cette « géographie » qu’Angela Lampe, conservateur à Beaubourg et commissaire de l’exposition, a tenue à redessiner au 5e étage du musée d’art moderne : d’un côté, à leur place habituelle, Paysage de l’Estaque, Les deux péniches et Le Pont St-Michel, de l’autre un autoportrait de Rouault, L’apprenti ouvrier (1925), en guise d’introduction à l’univers de cet « artiste d’une avant-garde singulière certes, mais d’avant-garde que son statut de peintre chrétien a fini par occulter », indique Angela Lampe.

Georges Rouault - Paysage avec barque sur l'eau, 1906(Donation Geneviève et Jean Masurel © Adagp, 2008)

Georges Rouault - Paysage avec barque sur l'eau, 1906
(Donation Geneviève et Jean Masurel © Adagp, 2008)

Pas de scènes religieuses, elles viendront plus tard… Mais déjà certains des thèmes que Georges Rouault reprendra tout au long de ses plus de cinquante ans de carrière : le cirque, les paysages et les « filles » qui, elles, s’effaceront avec le temps. En revanche, « l’expressionnisme auquel renvoie le travail de l’élève de Gustave Moreau » est d’autant plus fort que durant cette première période (1905-1914), l’esthétique est « très dense, très compacte avec plusieurs couches les unes sur les autres ». Les coups de pinceau, vigoureux et nerveux, se font effectivement balafres sur ses visages empreints d une mélancolie poignante, que rehausse une palette plutôt sombre où dominent le bleu et le vert, zébrée ici ou là de fulgurances rouges quasi sanguines. Les prostituées tout comme les clowns semblent exprimer toute la misère du monde. De toute évidence, Rouault ressent de l’empathie pour ses modèles : « Il disait lui-même que ce qui l’intéressait c’était la pitié que ces femmes lui inspirait. Et cette même angoisse des filles devant une vie qu’elles n’ont pas choisi, on la retrouve dans les portraits des clowns, obligés de divertir ». 

Georges Rouault - <em>Fille au miroir </em>(1906)(Centre Pompidou © Adagp, 2008)

Georges Rouault - Fille au miroir (1906)
(Centre Pompidou © Adagp, 2008)

Des tableaux mais aussi de la céramique. Le visiteur peut notamment voir une amphore dans les mêmes tonalités de bleu et de verre qui montre bien « la fougue de Rouault », insiste Angela Lampe. Son appétit à « couvrir » toutes sortes de supports le rapprochant finalement de ses camarades fauves, à l’image de Matisse. Car si Rouault est quelque peu tombé dans l’oubli (après avoir pourtant eu droit à des obsèques nationales), il fut à sa façon un apôtre de la modernité, et cela, à deux titres au moins : « dans ce rapport purement pictural qui va progressivement l’amener à explorer sans discontinuiter cette trinité forme-couleur-harmonie et dans cette approche sérielle qui le conduit à reprendre sans cesse les mêmes sujets, les mêmes motifs pour développer d’autres harmonies ».

2008 ou la renaissance de Georges Rouault ? « Cela fait deux ans que l’on observe une sorte de renouveau autour de l’œuvre du peintre. Mais cette année commémorative va contribuer encore un peu plus à le remettre sur le devant de la scène avec à l’automne deux nouvelles expositions, l’une qui s’est ouverte le 1er septembre au McMullen museum of Boston, aux Etats-Unis, l’autre à la Pinacothèque de Paris qui, à partir du 15 septembre présentera les œuvres de la collection Idemitsu ». Sans oublier les inachevés de Rouault que le centre Pompidou présente dans le cadre de sa collection permanente. L’occasion décidément de rouvrir une page méconnue de l’histoire de l’art contemporain.  

Pour tout connaitre de l'actualité de Georges Rouault, consulter également le site de la Fondation Rouault qui se trouve à Paris : www.rouault.org/