par Elisabeth Bouvet
Article publié le 02/02/2009 Dernière mise à jour le 06/02/2009 à 10:01 TU
« Sans plus », serions-nous, pour notre part, tentés de répliquer, au risque d’écorner les étoiles qui scintillent autour du berceau du dernier-né du réalisateur américain dont les précédents films (Zodiac, Fight Club et surtout Seven. Dans ces deux derniers films, David Fincher dirigeait déjà Brad Pitt) nous avaient pourtant éblouis. L’histoire, tirée d’une nouvelle éponyme de Francis Scott Fitzgerald écrite en 1922, est celle d’un homme né vieux et, de ce fait, condamné à rajeunir, autrement dit à être en décalage permanent par rapport au monde qui l’entoure, famille, amis, maîtresses, enfant. Si le point de départ s’annonce effectivement prometteur, la réalisation se révèle, elle, sans réelle saveur ni grand intérêt dès lors que ce destin à rebours ne donne lieu à aucune espèce de réflexion un tant soit peu philosophique, se contentant au contraire d’énoncer de plates voire affligeantes considérations déjà maintes fois entendues, sur la fuite du temps, le bonheur ici et maintenant, le sacrifice, la perte des êtres chers avec ce que cela sous-entend parfois de secrets enfouis. Même l’arrière-plan est bâclé. Né en 1918 à la Nouvelle-Orléans, Benjamin Button aurait dû être le témoin de quelques faits saillants. Or si l’on excepte l’attaque de Pearl Harbour le 7 décembre 1941, de saisissante facture, l’histoire demeure étrangement absente.
Quant au fameux Benjamin Button, il remonte sa vie comme indifférent aux événements qui se succèdent, davantage balloté que concerné. Difficile dans ces conditions de trouver un sens (une justification même) à ce portrait de plus de 2h30 qui, c’est un comble, ne semble jamais incarné. On a d’ailleurs l’impression, fâcheuse - car sensément avec pareil particularisme, on peut s’attendre à un minimum de souffle -, de voir des masques évoluer. Brad Pitt qui tient le rôle de Benjamin Button ne joue pas, se limitant à « dire » son texte, en voix off, et, quand il ne lit pas, à afficher une sorte d’hébétude qui finit par lasser voire exaspérer. Même constat pour Cate Blanchett qu’on a connue plus inspirée. La seule à apporter un peu de vie dans cet ensemble passablement figé et d'une langueur (longueur ?) un brin artificielle est Tilda Swinton, impeccable comme à son habitude. Les scènes qu’elle partage avec le héros, alors à peu près âgé de 50 ans, étant les plus réussies du film, les plus belles aussi, dans cet hôtel déserté qui prend des allures de décor de film noir.
Ici ou là (en fait quasiment partout dans la presse), on ne cesse de mettre en avant les prouesses techniques qui ont permis de filmer un personnage de 80 ans dans le corps d’un nourrisson puis de 60 ans dans le corps d’un jeune homme de 20 ans, etc. Ce tour de force est dû, nous explique-ton, à une caméra numérique révolutionnaire capable de restituer, à la ride près, l’image virtuelle d’un visage. Sauf qu’elle ne lui insufflera jamais, cette caméra virtuelle, une âme. C’est d’ailleurs bien le problème de tous ces visages retouchés qui finissent par ne plus rien exprimer. Et surtout pas cette émotion qui fait tant défaut à L’étrange histoire de Benjamin Button…étranger à lui-même et dont le sort d’homme prétendument extraordinaire finit par nous paraitre bien falot. Et les références à tous les genres cinématographiques, du fantastique au romantisme en passant par le polar et l'épopée, n’y changent rien : pour ambitieux qu’ait été le projet de David Fincher, le résultat n’a pas l’effet dévastateur annoncé. Trop de maîtrise ? Quoi qu'il en soit, rien ne prend, seul l'ennui surnage.
kézako
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