par Bartholomé Girard
Article publié le 06/04/2009 Dernière mise à jour le 17/04/2009 à 11:08 TU
... mais comment s'y prendre, quand on est dans l'eau ? Il ne fallait pas moins que la célèbre histoire d’Andersen, La petite sirène, pour régaler les crayons du cinéaste japonais Hayao Miyazaki. Son nouveau film, Ponyo sur la falaise, en salles le 8 avril, transpose en effet le conte dans le Japon d’aujourd’hui, racontant une histoire d’amour entre un poisson rouge et un jeune garçon. A 67 ans, le maître de l’animation nippone offre un récit plus simple qu’à l’habitude, mais dont le travail artisanal est toujours un régal pour les yeux.
Le mouvement de bras n’est pas fluide, pas plus que l’écume en haut des vagues. L’image n’est pas léchée, le trait est simple, presque grossier. Pas d’ordinateur, uniquement des crayons et des pinceaux : Ponyo sur la falaise fait figure d’outsider dans la course à la technicité animée. Et pourtant, comme souvent chez Hayao Miyazaki, une rare beauté se dégage des images. L’air s’engouffre dans les cheveux, soulève les jupes, brasse les brins d’herbe. La légèreté imprègne les couleurs, comme si les personnages allaient s’envoler à chaque instant. Ou, dans le cas du poisson rouge Ponyo, se faire emporter par le courant de la mer, loin de Sosuke, un petit garçon qui l’a sauvée et dont elle est tombée amoureuse, au point de vouloir devenir humaine. Mais elle n’a pas quinze ans, comme la sirène du conte d’Andersen, seulement cinq. Car si l’amour a un âge, paraît nous dire Miyazaki, c’est celui de la pureté, celui où l’âme de ses personnages ne semble pas avoir d’ombre, à l’image des traits de leurs visages à la surface plane.
Ce sont moins les méandres de la psyché qui intéressent le réalisateur nippon – même si le fond de la mer tapissé de vagues, métaphore de l’inconscient, est toujours agité – que la manifestation sensible des éléments. Il porte un soin particulier à animer la terre, le ciel et la mer, et nous renseigne peu sur les motivations de ses personnages, pas plus sur leurs histoires. Il les garde à distance, comme des pantins évoluant dans un monde étrange dont l’onirisme est palpable à chaque coup de crayon. Il préfère la danse, emportant avec souffle tous les personnages qu’il a créés depuis plus de vingt ans, à l’instar de l’héroïne du Voyage de Chihiro ou de celle de Nausicaa de la vallée du vent. Et alors que son précédent long-métrage, Le château ambulant, sorti en 2004 sur les écrans français, témoignait d’une narration fertile et d’une abondance d’effets visuels, lorgnant vers une esthétique baroque, ce Ponyo sur la falaise, malgré quelques plans bigarrés et fourmillants, surprend par la simplicité de sa trame, autant que de son trait.
Comme si le réalisateur de Mon voisin Totoro proposait une parenthèse dans son œuvre toujours plus étrange et foisonnante, et même une bulle de grâce et d’insouciance dans le septième art. Certes, il n’abandonne pas certains thèmes qui nourrissent son travail depuis ses débuts – la métamorphose, la protection de l’environnement – mais il ne complexifie plus à outrance son histoire. Les scènes dramatiques sont réduites a minima. De même, les visages sont ronds, et la douceur est l’unique dessein, comme le veut Miyazaki qui envisage son film comme « [sa] réponse à la détresse et à l’incertitude de notre époque ».
Un peu facile, serait-on tenté de répondre, de proposer un exercice de style aussi sucré comme antidote à l’acidité ambiante… au risque de ne toucher qu’un public jeune. Et Ponyo sur la falaise, en ce sens, peut être une déception pour les aficionados de Miyazaki. Le film aurait probablement gagné en densité en offrant davantage de péripéties, ou en resserrant l’action. Au final, cette douceur apparaît plutôt comme un petit bonbon d’un des plus grands virtuoses de l’animation contemporaine, mais dont la saveur ne reste pas longtemps dans la bouche.
kézako
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