L'été des festivals

Boire ou réfléchir : à Lagrasse, les deux vont de pair !

par Elisabeth Bouvet

Article publié le 03/08/2009 Dernière mise à jour le 03/08/2009 à 16:33 TU

A la terrasse du Café littéraire.
(Source : Le banquet du livre)

Quand on entend parler pour la première fois de la commune de Lagrasse, la tentation est forte de l’associer à l’idée de farniente. Fausse route, car c’est là, dans cette minuscule localité de l’Aude située entre Perpignan et Narbonne, que se tient Le Banquet du Livre, manifestation qui réunit penseurs et philosophes pour débattre de l’avenir du monde. Non sans lever le coude. Rien de tel qu’un peu de vin pour délier les langues, c’est bien connu.  

Comme chez Platon, le vin a joué un rôle de premier plan dans l’histoire du Banquet du Livre de Lagrasse qui, depuis 1995, accueille donc chaque été écrivains, philosophes, cinéastes ou comédiens pour des semaines thématiques, studieuses et conviviales à la fois. Car si l’eau coule au pied de ce village qui compte 600 habitants, c’est le vin qui fait la réputation de cette région dite des Corbières. « Au début des années 1970, se souvient Jean-Michel Mariou, le président de l’association « Le marque-page » qui regroupe Le Banquet du Livre et les éditions Verdier, nous étions étudiants à Toulouse et nous étions très attentifs à la lutte viticole dans le sud de la France. Donc on est venu voir et on a découvert des gens superbes, un lieu magnifique et nous sommes restés ».

Dans le petit cloître de l'abbaye Sainte-Marie d'Orbieu à Lagrasse.
(Photo : Le Marque-Page)

Pour autant, l’idée du festival n’a vu le jour qu’en 1994, à la faveur du vingtième anniversaire des grands mouvements des vignerons. « On a imaginé une manifestation autour du livre parce que nous, nous avions rencontré le livre sur le chemin de notre vie, pour essayer de parler de l’histoire des mouvements de ces années-là ». Le Banquet était lancé et son identité plus ou moins définie : « On ressentait la nécessité de réunir des gens pour réfléchir parce que nos chemins qui avaient démarré dans la politique avaient abouti à des impasses ». La discussion n’a depuis jamais cessé. Durant une semaine, les invités se réunissent donc autour d’un verre mais aussi, autre tradition locale, d’une thématique. Cette année, les philosophes débattront, du 1^er au 8 août, autour du thème suivant : « Ici, maintenant, au-delà du tout politique ».

La librairie du Banquet d'été.
(Photo : Le Marque-Page)

Autre particularisme, le mélange des genres. Très vite en effet, les organisateurs ont eu « cette volonté de mélanger des philosophes avec des cinéastes, avec des écrivains, avec des historiens, avec des chercheurs car on a tout de suite vu que c’était extrêmement fécond ». Tant et si bien qu’à Lagrasse, « dans l’ambiance de l’été et du village », sont nées des envies de publications qui ont du reste abouti à l’instar entre autres du Triple du plaisir du philosophe Jean-Claude Milner ; qu’à Lagrasse encore se sont même nouées des relations entre personnalités d’horizons différents qui ont donné lieu ensuite à des projets communs comme ce fut le cas avec la cinéaste Claire Simon. Des rencontres favorisées sans doute aussi par la disponibilité des invités. Et Jean-Michel Mariou de citer l’écrivain Didier Daeninckx qui inaugurera cette édition et restera toute la semaine à Lagrasse : « C’est ça qui donne cette ambiance particulière à la manifestation et la qualité des échanges car chacun se soucie de l’autre ». Sans compter qu’avec le vin des Corbières, les discussions sont forcément toujours un peu plus longues !

Giuseppe Conte et Jean-Yves Masson devant le public du Banquet en 2008.
(Photo : Le Marque-Page)

Et même à rebondissements. Car si l’été demeure le point d’orgue dans le calendrier du Banquet du Livre, celui-ci se décline désormais en deux autres saisons, au printemps et à l’automne. Mais c’est toute l’année, en vérité, que l’association organise des événements : « Il y a eu cet hiver un atelier sur la poésie des troubadours, un atelier sur le Quichotte, l’hiver prochain, on aura un atelier sur le cinéma documentaire. On essaye en fait de faire ce que l’on souhaitait dès le début mais qu’on ne peut organiser que depuis un an ». Depuis que le conseil général de l’Aude a acquis l’Abbaye de Lagrasse qui abrite le café littéraire et la librairie de l’association, deux adresses qui restent donc ouvertes tout au long de l’année. Ce qui permet, observe Jean-Michel Mariou, de « toucher des gens beaucoup plus proches, des gens de la région ». Et de laisser, comme dans Le Banquet de Platon, les verres et les bouteilles sur les tables car à Lagrasse, on n’écluse jamais complètement une réflexion.