par Elisabeth Bouvet
Article publié le 17/08/2009 Dernière mise à jour le 17/08/2009 à 07:51 TU
Dans la foulée du FID, le festival international du film documentaire de Marseille, les Etats-Généraux de Lussas (15-22 août) fêtent à leur tour leurs vingt ans. Aucune coïncidence, les deux manifestations sont nées de concert. Après la grande ville (c’était au début de notre série estivale), escale dans un modeste village de l’Ardèche complètement acquis à la cause du documentaire.
Pour l’état civil, le festival de Lussas est né en 1989. Mais sa conception remontait déjà à quelques années. C’est en effet en 1983, se souvient Pascale Paulat, la déléguée générale des Rencontres, qu’une poignée de cinéastes documentaristes décident de se réunir et de fonder La Bande à Lumière « pour faire pression auprès du ministère de la culture qui était en train à l’époque de mettre sur pied un fond de soutien pour le cinéma, en négligeant complètement le documentaire ». Après avoir obtenu gain de cause, ces militants de la première heure décident de créer plusieurs manifestations qui mettraient le documentaire en haut de l’affiche. A cette époque, seul le Festival du réel de Beaubourg accueillait ce genre cinématographique. Ce fut le FID, le marché du film documentaire (aujourd’hui basé à La Rochelle) et une sorte d’université d’été davantage axée sur la réflexion qui devait s’ancrer à Lussas, par la volonté d’un des membres de La Bande, Jean-Marie Barbe, originaire de la région et qui y était retourné travailler dès 1983 où il avait déjà monté une maison de production.
Le choc des cultures n’en fut pas moins rude. Pascale Paulat n’a pas oublié le débarquement, pour la première édition, des Parisiens « en robe de soirée et costard-cravate » dans ce village perdu d’à peine 500 âmes, à la fin des années 1980 (et qui aujourd’hui a doublé sa population). Et pourtant, les habitants avaient déjà pu assister quelques années auparavant à des projections, mais dans un cadre, il est vrai, assez éloigné du combat de la Bande à Lumière puisque les Rencontres furent précédées, entre autres, par un festival baptisé Film et Cheval (qui n’avait rien à voir avec le western). Seul avantage, des structures existaient sous la forme de 2 salles de projection (désormais au nombre de 5). Autant dire que les 200 professionnels invités et les locaux se sont beaucoup regardés en chien de faïence.
C’est pour éviter que « ces deux mondes continuent à se côtoyer sans jamais se rencontrer » que dès l’édition suivante, fut mis sur pied l’accueil à domicile : « On a proposé à quelques familles de recevoir un réalisateur qui viendrait avec son film sous le bras. Le film serait visionné sur le téléviseur familial, la famille aurait invité quelques amis et la soirée se terminerait autour d’un verre d’eau de vie de poire ». Pari gagné, si ces soirées chez l’habitant ne remplacent pas un débat public, elles ont permis à tout le moins de briser les a priori de part et d’autre, et d’ailleurs elles continuent non seulement à Lussas mais également dans six villages voisins où sont organisées des projections en plein air et gratuites.
Quant à la localité de Lussas, le cœur des Etats-Généraux, en l’espace de deux décennies, elle a réussi à bâtir une vraie petite entreprise autour du documentaire. « Notre petit village de par sa dynamique de diffusion et de production amène beaucoup de réalisateurs à s’installer ici. Ce qui est précieux pour l’économie de la région. On compte aujourd’hui trois maisons de production, une maison de diffusion, une école du documentaire, une association qui réalise des DVD, une autre qui développe un site internet autour du documentaire ». Sans oublier les multiples activités directement liées aux Rencontres et qui se déroulent tout au long de l’année. « Depuis 1997, par exemple, l’école du doc propose des résidences d’écriture ainsi qu’un atelier de réalisation, et depuis 2000 s’est ouvert à Lussas le premier master de réalisation de documentaire en collaboration avec l’université Stendhal de Grenoble ». Ce sont chaque année 18 étudiants qui s’installent dans la localité et permettent ainsi à Lussas d’avoir une vie par delà le rendez-vous annuel de la mi-août. Il faudrait encore citer le programme de formations au documentaire à destination de l’Afrique mené par l’initiateur du festival, Jean-Marie Barbe, qui a installé une première structure à Saint-Louis du Sénégal. « C’est une vraie dynamique qui s’est développée autour du documentaire », souligne Pascale Paulat qui refuse toutefois de crier victoire, y compris en cette année-anniversaire. Car même si le genre documentaire a gagné ses lettres de noblesse, il souffre depuis quelques années du fait qu’« il y a de moins en moins de coproduction avec la télévision et que les temps de réflexion sont de plus en plus courts ».
Rien d’étonnant donc à ce que cette vingtième édition qui présentera aborde de nouveau le thème de l’engagement à travers notamment une thématique consacrée au documentaire depuis 1968. Ce sera également l’occasion de croiser et de convier d’autres champs artistiques à commencer par la photographie qui sera très présente cette année. De quoi satisfaire la curiosité des 5 000 festivaliers qui n’ont plus peur de rallier Lussas.
kézako