par Danielle Birck
Article publié le 20/02/2009 Dernière mise à jour le 09/03/2009 à 15:38 TU
Avouons-le tout de suite : c’est après avoir eu le privilège et l’intense plaisir – partagés avec quelques confrères – de déjeuner chez la Mère Brazier et de savourer la fameuse poularde de Bresse en demi-deuil, précédée de l’artichaut au foie gras, tous deux revisités par Mathieu Viannay, que nous avons rencontré celui-ci. Exceptionnellement, il n’était pas ce jour là aux cuisines, mais sur le site du Salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation (SIRHA) où se déroulait la finale de l’édition 2009 du championnat mondial de la gastronomie, le Bocuse d’Or.
Silhouette mince, œil vif, voire malicieux, sourire et rire faciles, Mathieu Viannay n’a pas le sentiment d’avoir endossé la lourde responsabilité de transmettre un héritage, en rachetant et prenant les commandes de la Mère Brazier. « Certes, je suis arrivé dans une maison mythique, dit-il, mais quand on franchit la porte du restaurant, on ne se sent pas dans un restaurant. On se sent dans une maison où il y a une ambiance, avec les vieilles pierres, les faïences, une ambiance dans laquelle je me sentais bien et je ne me suis pas posé la question de transmettre et comment. On a les quelques plats mythiques que l’on va faire évoluer, des classiques que l’on va faire à la perfection, et à côté je vais continuer à faire, on va dire, une belle cuisine, néo-classique, c'est-à-dire moderne à base classique. Ce qui m’intéresse c’est que les gens aient un moment d’émotion et se sentent bien. Il ne faut pas se poser trop de questions, je n’ai pas de contraintes, je ne me sens pas forcé de refaire cette cuisine là »…
Faire une cuisine « précise »
Cette cuisine là, comme cette mythique volaille de Bresse, parlons-en. Comment Mathieu Viannay a-t-il décidé d’innover en la matière ? Réponse : « Nous, on ne la cuit pas comme avant: on la cuit à basse température, 70°, pendant trois heures et demi, puis stoppée en cuisson. On la remet à pocher « à la réclame », quand les gens arrivent et demandent une volaille, et on finit alors la cuisson. Le blanc est moelleux et on l’accompagne d’une sauce crème légère et concentrée en goût. Ce qui m’intéresse, c’est de faire une cuisine précise ».
Volaille de Bresse demi-deuil et et ses petits légumes et cerises au vinaigre
(Photo : Danielle Birck/ RFI)
Le mot « précis » reviendra à plusieurs reprises dans la bouche de Mathieu Viannay pour qualifier sa cuisine, que par ailleurs il dit avoir « du mal à expliquer ». Mais au fil de l’entretien elle va se dessiner. A commencer par ce qu’il dit avoir retenu des deux seuls chefs – Jean-Pierre Vigato et Henri Faugeron - auprès de qui il a travaillé comme stagiaire, qu’« il n’y a rien sans la qualité et la mise en avant du produit ». Ce qui peut s’appliquer à la cuisine lyonnaise, « une cuisine bien assise, pas forcément la plus innovante, mais avec un respect de l’origine et de la qualité des produits. Et en Rhône-Alpes on a cette chance d’avoir une palette de produits extraordinaires. Le seul fait de respecter cela, avec une bonne cuisson et un bon assaisonnement, donne un plat magique… parce que la simplicité peut remplacer toute forme de modernisme », conclut-il.
Il faut que ça mâche, que ça craque …
Est-ce que par « modernisme » il ferait allusion à ce courant de la cuisine moléculaire ? « C’est intéressant, mais ce n’est pas ma cuisine, avoue-t-il, et je fais ce que j’aime ». C'est-à-dire ? « Moi j’aime bien les petites émulsions pour alléger une sauce et amener un contrepoids à un jus réduit et très concentré. Mais à côté, j’ai besoin d’avoir quelque chose dans la bouche, il faut que ça mâche, que ça craque, faire travailler les mâchoires, résonner l’oreille. Tout cela participe du goût. Je ne peux pas me contenter d’un truc à aspirer, à boire : il y a un manque ».
Mais comment le goût pour la cuisine est-il venu à Mathieu Viannay, né à Versailles en 1967 ? « Ma famille est originaire d’Angers, mes oncles étaient viticulteurs et j’ai longtemps hésité à faire une école pour devenir œnologue, faire du vin. Le vin est quelque chose de super important pour moi, mais j’aimais aussi la cuisine. Un oncle m’a envoyé faire un stage d’un mois chez un de ses amis étoilé à Paris. J’avais 17 ans, j’étais en première, et j’ai adoré. Je me suis dit que le jour où je serai « chez moi » je pourrai profiter de la cuisine et des vin, avoir une cave intéressante et travailler avec des vignerons ».
Ce sera donc d’abord Paris où, sorti de l’Ecole supérieure de cuisine française - Ferrandi, il s’occupe de la restauration à la gare Montparnasse avant d’être sollicité en 1994 pour prendre en main celle de la gare TGV de Lyon/Part-Dieu. Il s’installe à Lyon où, quatre ans plus tard, il s’établit à son compte en ouvrant son premier restaurant, Les Oliviers, puis, en 2001, le Mathieu Vianney, qui lui vaudra une étoile, avant qu’il ne le transforme en bistrot chic, le M Restaurant. En 2007, avec deux autres chefs il ouvre une brasserie à la cité internationale « qui fait 200 à 300 couverts par jour », et en 2008, la Mère Brazier… « Mais là, j’arrête! », promet celui qui entre temps est devenu Meilleur Ouvrier de France, en 2004.
Fermée depuis un an, la Mère Brazier a rouvert en octobre 2008, entièrement rénovée. « Un investissement énorme, souligne Mathieu Viannay. Mais en même temps on a voulu garder l’empreinte de la maison : les parquets qui grincent, les petites marches »…
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