Politiquement correct

Mon Oncle privé de sa pipe

par Danielle Birck

Article publié le 20/04/2009 Dernière mise à jour le 22/04/2009 à 09:39 TU

(Source : Cinémathèque française)

Il y avait eu la cigarette de Jean-Paul Sartre, gommée en 2005 de la couverture du catalogue de l’exposition dédiée au philosophe à la Bibliothèque nationale de France. En avril 2009, et toujours au nom de la loi de 1991 qui proscrit la publicité pour le tabac, c’est au tour de la pipe de Jacques Tati de disparaître des affiches dans le métro parisien, à l’occasion de l’exposition consacrée au cinéaste à la Cinémathèque française. Et juché sur son solex, que tient Mon Oncle en son bec ? Un moulin à vent ! Pas étonnant que le neveu  sur le porte-bagage regarde ailleurs …

(Photo : Reuters)

En son temps la BNF s’était excusée, rejetant sur « un maillon indéterminé de la chaîne de conception de la campagne publicitaire » la disparition du bout de cigarette des doigts de Sartre. Cette fois, Metrobus (la régie publicitaire), persiste et signe, au nom d’une application scrupuleuse de la loi, tandis que la RATP (régie autonome des transports parisiens) mitige son discours sur l’air de « la loi c’est la loi, mais on regrette de ne pas avoir été informé… ».

Source : Warner Bros France

Quant au « père » de la loi antitabac, Claude Evin,  il manifeste son exaspération devant cette dernière interprétation abusive, sinon obtue, de son texte. « Lutter pour la santé publique ce n’est pas tomber dans le ridicule », a-t-il déclaré sur les ondes de France-Info. L’actuelle ministre de la santé, Roselyne Bachelot, n’approuve pas non plus qu’on ait ôté sa pipe à Jacques Tati.

Bon,  affaire entendue pour Mon Oncle ! Mais que les intégristes de la loi anti-tabac se rassurent, un autre combat se profile à l’horizon : Coco Chanel, alias Audrey Tautou, peut-elle se permettre de fumer en toute impunité dans son lit sur les affiches du film qui sort ce mercredi dans les salles ? Pourquoi pas des ciseaux à la place ...

Dernière minute : 

Ni cigarette, ni ciseaux : l'affiche du film Coco avant Chanel représentant l'actrice en pyjama de satin blanc dans son lit, clope à la main a été bannie du métro parisien. Métrobus a encore fait du zèle - avec une belle cohérence, reconnaissons-le - et la Warner a dû se résoudre à remplacer les 1100 affiches prévues pour le métro et les autobus parisiens, par "deux affiches de complément où Audrey Tautou apparait au côté des acteurs masculins".

Cette application zélée de la loi Evin mériterait peut-être qu'on assouplisse celle-ci. C'est en tout cas ce que suggère Jean-Pierre Teyssier, le président de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité. "Quand une personne a joué un rôle culturel important, de Gainsbourg à Simenon, que le cigarette ou la pipe est un attribut inséparable de sa personnalité et que l'annonceur est sans rapport avec l'industrie du tabac, il pourrait y avoir une exception", déclarait-il ce mercredi 22 avril 2009 à l'AFP. 

Justement, une modification qui "tomberait à pic pour le film Serge Gainsbourg, vie héroïque, de Joan Sfar (...) en cours de production", souligne l'agence de presse... .