Un livre, un auteur

Plus que quelques années...

par Marion Urban

Article publié le 30/01/2008 Dernière mise à jour le 31/01/2008 à 10:11 TU

Auscultation d'un singe saki de l'Amazonie.
(Photo : Thierry Monford)

Jean-Christophe Vié est vétérinaire, spécialiste des primates et biologiste. Il y a quelques années, alors que Électricité de France est en train de construire le barrage de Petit-Saut, en Guyane française, il propose à la société nationale de recenser la faune sauvage avant la mise en eau. De cette expérience est née une conviction : l'homme demande plus à la nature qu'elle ne peut supporter. Depuis 2001, il occupe les fonctions de Directeur adjoint du Programme pour les espèces à l'Union internationale pour la conservation de la nature. Il vient de publier un livre Le jour où l'abeille disparaîtra... aux éditions Arthaud, un plaidoyer pour la protection de la biodiversité, hommes inclus. 

Paris, Gare de Lyon. Jean-Christophe Vié a de légères griffures aux coins des yeux. Fatigue ou trop plein de soleil alpin ? Il s'apprête à rejoindre la Suisse en TGV. La tête chargée de réunions et de rapports futurs pour son employeur, l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Sur la table, son essai Le jour où l'abeille disparaîtra... Trois dominos ornent la couverture mauve. Un bandeau jaune pour le sous-titre :  L'homme n'aura plus que quatre années à vivre. La citation est attribuée à Albert Einstein.

« C’est un travail personnel qui se nourrit de mon expérience de terrain au cours des 20 dernières années mais aussi très largement du travail que j’effectue au sein de l’UICN. J’ai essayé d'expliquer ce que représentait la biodiversité et de faire comprendre que la protection de la nature n'est pas un luxe mais une nécessité ».

Génération Daktari

Jean-Christophe Vié est né dans le Sud-ouest de la France. Élevé à la campagne, il se dit atteint par le syndrôme Daktari, du nom du feuilleton télévisé américain, diffusé à la fin des années 60. La série mettait en scène les aventures d'un daktari (médecin, en kiswahili) vétérinaire, et de sa fille, dans une réserve africaine. Les deux personnages étaient flanqués d'un lion nonchalant, Clarence, affecté de strabisme et d'une incorrigible guenon, Judy.

« À 13 ans, je ne lisais que des livres sur les animaux », raconte Jean-Christophe Vié « J'attrapais des oiseaux...je voulais les dénombrer. J'attachais à la patte un petit fil de laine de couleur, avant de prendre les mesurations de l'animal et de le relâcher. Les informations notées dans un cahier constituaient une base de données miniature ».

Plus tard, le jeune homme recueillera une femelle chimpanzé, Nuria, pendant un an, chez lui... au Gabon.

État des lieux

Combien d'années à vivre ?
(Photo : Thierry Monford)

Spécialiste des primates, Jean-Christophe Vié arrive en Guyane française, alors que EDF, la société nationale d'électricité, a débuté les travaux de construction d'un barrage sur le fleuve Sinnamary. Une partie de la forêt amazonienne doit disparaître sous l'eau. Avec ses habitants.

Le vétérinaire va proposer à EDF avant de mettre le territoire sous eau de se livrer à un recensement des espèces animales et végétales. De 1993 à 1998, il observe, recueille, comptabilise. Une formidable expérience humaine, mais qui laisse des traces...

Conservation

Après un détour par un laboratoire d'expérimentation animale aux États-Unis, Jean-Christophe Vié décide de rejoindre le réseau des spécialistes de l'Union internationale pour la conservation de la nature, au sein de la commission des espèces. Il travaille pendant 18 mois en Guinée-Bissau.

« L'une des plaies de la planète est la surpêche. Au Canada, l'industrie du poisson a été frappée de plein fouet par la disparition du cabillaud dans l'Atlantique. Les usines de transformation ont dû fermer. Les personnes se sont retrouvées au chômage. En Afrique de l'Ouest, on essaie d'anticiper ces situations. On a appris aux pêcheurs à ne plus dynamiter les récifs, à se munir de filets de pêche avec des mailles différentes pour cibler leur pêche et ne pas provoquer de dégâts dans les milieux sous-marins... 

Quel est l'intérêt de laisser croire à des gens qu'ils vont pêcher indéfiniment ? La nature n'est pas inépuisable », insiste le scientifique.

Les aires maritimes protégées représentent 2% des mers et des océans (70% de la planète). Les zones protégées terrestres : 12%.
(Photo : Jean-Christophe Vié)

Alerte rouge

Le jour où l'abeille disparaîtra recense consciencieusement les alertes rouges de la planète, les espèces qui disparaissent, les forêts qui partent en fumée. Elles ne se situent pas seulement dans les pays sous-développés ou émergents mais aussi dans les pays développés en Europe ou en Amérique du Nord. Toutefois, il n'est pas facile de convaincre des gens qui vivent loin de la nature.

Aujourd'hui, Jean-Christophe Vié participe activement à la rédaction de la liste rouge des espèces menacées au siège mondial de l'UICN, en Suisse. Cette liste sert de base aux gouvernements et aux Conventions internationales sur l'environnement.

Le vétérinaire-biologiste court le monde afin d'expliquer et surtout de convaincre qu'il est encore temps de modifier nos modes de consommation et d'exploitation de la nature.

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* le site personnel de Jean-Christophe Vié.
   Le jour où l'abeille disparaîtra. Editions Arthaud.