par Dominique Raizon
Article publié le 24/02/2009 Dernière mise à jour le 27/02/2009 à 15:02 TU
Ces hommes objets d’étude, dont il est assuré en début d’exposition qu’ils ont tous donné leur corps aux universités ou aux institutions médicales chinoises « dans le respect des lois en vigueur » (lesquelles ? chinoises ?), sont présentés décharnés et installés dans des positions familières de la vie quotidienne.
Des parties du corps présentées en tranches donnent à voir la densité du tissu osseux et ressembleraient presque à des coupes géologiques tandis que des organes divers inviteraient au voyage tel cet arbre bronchique qui ressemble comme un frère à une arborescence de corail blanc et ces deux poumons à du corail rouge. (cf.vidéo présentée par les organisateurs sur leur site)
Un des buts de l’exposition est d’instruire le visiteur sur toutes les fonctions vitales de l’organisme : quels sont les muscles qui entrent en vigueur lorsqu’on bande un arc ou que l’on shoote dans un ballon, comment est positionné notre squelette lorsqu’on est assis et penché devant un jeu d’échec ou bien lorsqu’on enfourche une bicyclette, par exemple ?… Des schémas et des cartels qui accompagnent le visiteur expliquent à ce dernier le fonctionnement de tous les systèmes musculo-squelettique, digestif, respiratoire etc.
« Le corps est notre jardin, notre volonté en est le jardinier »
Quant aux organes solidifiés, ils ont pu être conservés grâce à une technique de conservation appelée « imprégnation polymérique ou plastination » -qui consiste à remplacer les fluides corporels (graisses et liquides) par du polymère, sorte de « plastique durcissant qui permet de garder intactes les structures les plus fines, jusqu’au niveau microscopique », est-il expliqué sur un panneau à l’entrée de la visite.
L’autre but visé par les commissaires de l’exposition est de sensibiliser chacun à la responsabilité qui lui incombe quant à la prise en charge de sa propre santé et de sa longévité : à l’accueil, une citation de William Shakespeare donne le ton : « Le corps est notre jardin, notre volonté en est le jardinier ». Quelques mètres plus loin, en vitrine, le regard s’arrête sur tel poumon pathologique, atteint de carcinome bronchique, une forme de cancer en lien avec le tabagisme chronique. Point besoin de commentaires.
L’exposition continue de faire scandale
Ni odorante, ni écoeurante, ni repoussante, voici une exposition non moins troublante dès lors que l’on considère que tous les sujets exposés en vitrine sont des êtres humains qui, avant d’être figés sans peau et tout en tendons et ramifications nerveuses peints en bleu et en rouge, furent, un jour, bel et bien en chair et vivants …
Ce faisant, étonnante, détonnante et dérangeante, l’exposition continue de faire scandale, tandis que ces corps décharnés livrent leur mécanique sophistiquée, où toutes les pièces sont solidaires les unes des autres.
« Vous ne regarderez plus jamais votre corps comme avant », assurent les commissaires de l’exposition … C'est certain ! Reste le choix de repenser à cet homme quasi transformé en filet de pêche complexe par la simple coloration de tout le maillage des nerfs et des tendons qui articulent les mouvements, ou à cet autre … « aux muscles désinsérés » ... prêt à s’envoler, semblable à une fleur de pissenlit aux pétales éparpillés par jour de grand vent.
« Cette mise en scène comporte un aspect commercial non équivoque »
Au choix encore … l’envie de rire en pensant à cet œil goguenard qui semblait sortir de son orbite pour mieux scruter et défier le regard de l’homme vivant venu lui rendre visite … ou bien de s’interroger sur la vacuité du temps qui passe lorsque ne reste qu’une enveloppe, une pâle dépouille présentée à plat comme une peau d'ours en guise de descente de lit, avec pour passementerie une pauvre poignée de poils et un maigre fourreau …
Libre à chacun d’investir à sa manière son voyage au cœur de l’anatomie. Our Body : A corps ouvert , un corps désacralisé ? Oui pour les uns. Non pour les autres. En tout cas, la manifestation se veut révéler « au plus grand nombre ce qui était réservé aux anatomistes et médecins. », assurent les organisateurs de cette exposition privée.
Plus de science |
Sur le site de l'exposition, les organisateurs proposent en complément un Le saviez-vous ? où, en 21 alinéas, on apprend par exemple que, par rapport à sa taille, le muscle le plus fort du corps est la langue, et que la surface totale de la peau représente quelque deux m² ! |
Succès et polémique |
- Avec plus de 30 millions de visiteurs, l’exposition a déjà remporté un vif succès aux Etats-Unis et au Japon en passant par l'Australie et l'Espagne. - C’est la première fois qu’une exposition de ce type circule en France. - En juin dernier, lorsqu’elle avait pris ses quartiers à la Sucrière, à Lyon, le Comité consultatif national d’éthique avait rendu un avis très négatif, déclarant : « Les contradictions avec la loi française [étaient] évidentes : la commercialisation du corps fait l'objet d'une interdiction majeure ; or cette mise en scène comporte un aspect commercial non équivoque. Le consentement antérieur des sujets ne paraît pas établi de façon irréfutable (…) Nous émettons clairement des réserves ». - Le musée de l’Homme et la Cité des Sciences à la Villette, à Paris, ont refusé de l’accueillir. |
Pour en savoir plus :
Consulter le site de l'exposition
Visionner la présentation de l'exposition
ou se rendre Espace 12 Madeleine, 75 009- Paris; Ouvert tous les jours, de 12h à 20h, à partir de 10h les samedis et dimanches et nocturne jusqu’à 22h le vendredi.
Site du Comité consultatif national d'éthique
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