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Editorial politique

Les enseignants et la gauche

Les enseignants ont ces jours-ci les honneurs des candidats. A en croire un sondage publié dans le Monde de l'Education, c'est vers Lionel Jospin que penche leur coeur.

Fini le temps où les enseignants renvoyaient par paquets leurs cartes d'adhérents au parti socialiste. Effacée l'époque de Claude Allègre, pardonnés les propos sur le mammouth et l'absentéïsme. A l'époque, le ministre avait la volonté légitime de secouer le système. Ses acteurs ne retenaient que sa maladresse. Aujourd'hui, à défaut d'engouement, les enseignants affichent pour Lionel Jospin une réelle préférence. Il caracole en tête et bénéficie des intentions de vote les plus solides. Plus généralement, la tradition séculaire d'un vote à gauche des maîtres et professeurs se confirme. Ici, Jean-Pierre Chevénement et Noël Mamère doublent les scores que leur accordent généralement les sondages. Si l'élection se jouait dans le seul corps enseignant, Lionel Jospin n'aurait aucun mal à accéder à l'Elysée.

Tout cela n'est pas franchement nouveau. Ce qui l'est, c'est en revanche la déception sous-jascente, une certaine aigreur, un vrai désenchantement. La moitié d'entre eux trouvent négatif le bilan du Premier Ministre en matière d'éducation. Ils dénoncent un dialogue social en panne. Ils réclament une réflexion sur l'école, cette réflexion qui fait curieusement défaut dans les projets des candidats. Pour peu que l'on sache les prendre, les profs semblent prêts à la réforme et se disent ouverts à un débat national sur leur métier. Ils acceptent même que le parlement délibère sur ces fameux rythmes scolaires au centre ces derniers mois de toutes les polémiques. Plus que jamais, cette question avait montré la rupture entre les parents d'élèves de la capitale favorables au changement et les maîtres arc-boutés au statu-quo. La même incompréhension se retrouve aujourd'hui lorsqu'il est question des missions de l'école. Pour les enseignants, c'est avant tout «former à l'esprit éveillé et critique». Pour l'opinion publique, «donner le sens de la discipline et de l'effort».

Une ligne de fracture qui révèle les causes du malaise. Elles sont profondes, à commencer par le sentiment confus que l'école ne remplit plus ses missions. L'école n'est plus un sanctuaire contre la violence; l'insécurité a un lien évident avec la détérioration du système éducatif. Le principe du collège unique a conduit à un appauvrissement des disciplines enseignées sans que l'égalité des chances y trouve son compte... Au contraire. En réclamant un débat national, les enseignants se souviennent qu'ils sont les descendants des hussards noirs, ceux qui ont fait la République. Le prochain président aurait tout intérêt à les écouter et à les associer à une indispensable refondation.

par Geneviève  Goetzinger

[29/03/2002]

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