Clonage : le grand silence des politiques
Le silence -assourdissant- comme si l'impensable les laissait sans voix. Ils ont d'habitude la parole facile et le communiqué vite rédigé, des idées sur tout. Et là ? Rien. Quelque part dans le monde, certains touchent à l'essentiel, la vie, la conception, l'idée que l'on se fait de l'humain. Les politiques français n'y voient pas matière à interrompre la trêve des confiseurs. Ils désertent le terrain, laissent aux experts le soin de s'exprimer sur les liens entre la science et l'éthique. Ils abandonnent aux religieux le monopole de l'indignation devant la levée brutale de ce qui semblait hier encore un interdit suprême, refuser à l'homme le droit à l'unicité.
Quant à eux, Alain Juppé ou François Hollande, François Bayrou ou Alain Lipietz, ils ne se bousculent pas au portillon pour faire connaître leur pensée. On peut imaginer que la condamnation énergique de Jacques Chirac fasse l'objet d'un consensus, mais encore faudrait-il que les élus s'emparent d'un sujet éminemment politique, qui mérite pour le moins un débat national et une mobilisation internationale.
Or, sur ce double terrain, c'est l'impasse :dans l'hexagone, les lois de bioéthique sont constamment en retard sur l'évolution de la science. Quelles peuvent être d'ailleurs les armes du législateur pour contrer des chercheurs dévoyés dans un contexte où la réalité du progrès scientifique permet de s'affranchir des interdits moraux ? Chacun pressent que la réponse ne peut être que collective. Chacun sait bien que les grandes démocraties doivent ensemble réaffirmer que l'homme ne saurait être un champ d'expérimentations hasardeuses et scandaleuses.
Mais là encore, le vide juridique international, l'incapacité des Etats de définir le champ de l'acceptable laisse la voie libre aux apprentis sorciers qui peuvent agir en toute impunité. Alors, qu'elle existe ou non, on est en droit d'espérer qu'Eve soit un électrochoc, que la communauté internationale sorte de son attentisme, de ses hésitations, qu'elle ouvre le débat, qu'elle le fasse sans a priori. Car le risque est double : risque bien sûr de dérive eugéniste avec le clonage reproductif, risque aussi de refuser le clonage thérapeutique. Cette interdiction absolue remettrait en cause l'espoir de guérison qui permet à partir de cellules souches de remplacer un organe ou des tissus détruits par une pathologie ou un accident.
Se doter d'outils de répression efficaces, ne pas tout confondre dans un même opprobre… C'est le double défi auquel est confrontée la communauté internationale. Il serait utile que les hommes politiques français apportent leur pierre à cette réflexion.
par Geneviève
Goetzinger
[30/12/2002]