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Editorial politique

Haro sur Le Monde

Et l'on aurait envie de dire: pourquoi tant de haine ? Non pas bien sûr que le Monde soit à l'abri de la critique. Il demeure une référence, il ne saurait être un sanctuaire, par sa nature même préservé de la polémique. Son statut, à nul autre comparable ne lui confère d'ailleurs qu'un devoir, celui d'une exigence sans faille.

Ces dernières années, certaines évolutions ont pu désorienter ses lecteurs. Il y eut ce parti-pris fin 1994 en faveur d'Edouard Balladur, dont le Monde semblait accompagner la marche conquérante vers l'Elysée. Plus récemment, la mise en cause récurrente de l'intégrité de Jacques Chirac était ressentie à l'Elysée comme une campagne de presse destinée à favoriser cette fois l'élection de Lionel Jospin. A droite, certains continuent d'ailleurs de dénoncer en privé un journal qui serait volontiers insidieux, sous des dehors moralisateurs et objectifs.

Le Monde a en réalité beaucoup évolué, mais le changement réside surtout dans cette prime désormais accordée à l'investigation. Une vraie rupture pour un journal qui avait davantage bâti sa réputation sur une tradition bien établie d'analyse et de commentaire.

La ligne éditoriale fait l'objet de débats. La tribune de Jean-Marie Colombani, «Nous sommes tous Américains» publiée à la Une du quotidien au lendemain du 11 septembre a été discutée au sein d'une rédaction qui n'est pas unilatérale. Le Monde a une nouvelle fois démontré qu'il demeurait un journal engagé, mais qui pourrait sérieusement affirmer que l'honnêteté est incompatible avec une subjectivité assumée ?
Alors, ce qui choque dans cet ouvrage La face cachée du Monde, ce n'est pas la critique sur le contenu du journal; c'est en réalité le caractère très personnel des attaques proférées, l'outrance des accusations formulées, ce procès à charge sans place laissée à la pluralité des hypothèses, cette démarche qui consiste à instruire sans évoquer les arguments de la défense. Certains éléments sont d'une extrême gravité, lorsque les auteurs affirment par exemple que des révélations du Monde ont pu être délibéremment préjudiciables à l'action de la police en Corse. Ils touchent à la moralité du trio qui dirige Le Monde. Ils posent des problèmes déontologiques lourds. Sur ces points précis, la direction du Monde ne répond pas sur le fond, se réservant de porter l'affaire devant les tribunaux. Son silence s'explique peut-être par le souci de ne pas donner un écho supplémentaire aux propos de Pierre Péan et Philippe Cohen. Mais elle gagnerait à s'expliquer dans le détail. Car la réputation professionnelle des auteurs du livre contribue d'emblée à donner du crédit à leur travail... Même si le ressentiment très personnel que l'un et l'autre éprouvent à l'égard du Monde incite à la prudence, au moins sur leurs motivations.

par Geneviève  Goetzinger

[26/02/2003]

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