Constitution européenne: le référendum en question
Spontanément, presque instinctivement, on aurait envie de répondre oui. Oui à une consultation directe des Français sur la loi fondamentale de l'Union. Oui parce-qu'il serait inconcevable d'avoir voté lorsque se posait la question de l'instauration de la monnaie unique et de s'abstraire d'un vrai débat national sur cette nouvelle phase de la construction européenne. Oui, il est légitime de demander aux Français leur engagement direct pour leur Constitution. Oui, il est plutôt salutaire de parler enfin de l'Europe.
Et pourtant, au-delà de l'évidence, la question est plus compliquée qu'il n'y parait. Les 54% du sondage de l'institut CSA constituent un socle bien fragile face à toutes les incertitudes d'un référendum. Celui-ci demeure toujours un pari politique, et pas seulement parce-que la tentation existe de répondre à côté de la question posée. Le référendum est encore davantage une gageure lorsqu'il s'agit de l'Europe. Le récent scrutin suédois donne à réfléchir, tout comme le souvenir en France du précédent de Maastricht. La campagne s'était traduite par une érosion continue des intentions de vote positives, alors même que les deux principaux partis, socialiste et RPR appelaient à voter pour le oui. Celui-ci ne l'avait finalement emporté qu'à l'arrachée.
Aujourd'hui, le résultat s'annoncerait plus incertain encore. Le sentiment européen s'étiole pour toute une série de raisons. L'élargissement est ressenti comme un saut dans l'inconnue. Il s'agissait incontestablement d'un devoir historique mais il a pour conséquence de brouiller la perception de l'avenir, la lisibilité de la trajectoire. En France, l'Europe est trop souvent présentée comme une contrainte. Le bras de fer entre le gouvernement français et la Commission en est l'illustration, avec cette tentation de faire de l'Europe un bouc-émissaire. Rares sont ceux dans la majorité qui mettent en avant l'atout que constitue la monnaie unique pour l'économie hexagonale en période de presque récession. Au parti socialiste, l'euroscepticisme de gauche conduit également à condamner une Europe libérale, au nom d'un hypothétique virage idéologique. Les grandes familles politiques qui ont contribué à bâtir l'Europe semblent aujourd'hui douter, entrainant l'opinion derrière elles.
Alors, la France peut-elle prendre le risque de l'échec, avec les implications européennes qu'un résultat négatif présenterait ? Oui, sans doute. Parce que l'Europe ne saurait se construire contre ses peuples. Parce-que le référendum est la condition pour franchir le pas d'une Europe démocratique. Oui, à la condition que ses gouvernants donnent l'exemple. L'image que renvoie la Conférence Intergouvernementale est à cet égard caricaturale de cette exacerbation des égoïsmes nationaux. Comment exiger des électeurs davantage de vertu que de leurs dirigeants ?
par Geneviève
Goetzinger
[06/10/2003]