Le «happening» des intermittents
Est-il légitime parce que l'on s'estime insuffisamment entendu d'imposer son message par la violence, fut-elle relative et maîtrisée comme lundi soir sur le plateau de France 2 ? Est-il dans la norme du jeu démocratique d'envahir les tribunes du public de l'Assemblée nationale, pour une fois encore s'imposer dans le débat, d'une manière intempestive et brutale ? Cette double intrusion peut prêter à sourire. Elle n'est en réalité pas acceptable par la nature des lieux visés. Une rédaction d'abord, qui ne saurait être soumise à la pression physique d'un petit groupe. En l'occurrence, la décision est choquante d'avoir purement et simplement cédé son fauteuil aux intermittents. Placée devant le même choix, une chaîne concurrente avait décidé, il y a quelques semaines, d'interrompre son programme. Céder son fauteuil, c'est la porte ouverte à d'autres coups de force d'autres catégories mécontentes, buralistes, sans papiers, pourquoi pas ? Et il est évident qu'une information libre ne saurait s'exercer sous la menace potentielle des uns ou des autres. En l'occurrence, les complicités internes ne sont pas à exclure, mais elles n'expliquent pas la décision de concéder une tribune, d'obtempérer, de céder à l'intimidation.
L'Assemblée nationale est un lieu tout aussi symbolique, celui où siège la représentation nationale. Là encore, il s'agissait pour une poignée d'hommes et de femmes de s'assurer une publicité maximale, pendant la séance des questions, celle où les ministres sont interpellés par les députés. Une séance retransmise à la télévision, ce qui assurait une visibilité extérieure aux auteurs de ce nouveau coup de force. Là encore se pose le problème de la sécurité de ce lieu, dont l'entrée est pourtant très contrôlée depuis le 11 septembre 2001. Des failles existent qu'il faudra bien sûr identifier car les députés ne sauraient davantage voter la loi sous pression, physique et psychologique. Le président de l'Assemblée nationale ne s'y est pas trompé, qui a préféré interrompre la séance.
En réalité, ces actions apparaissent comme une sorte de baroud d'honneur de la part des intermittents. Leur mouvement s'est considérablement affaibli depuis la fin de l'été, avec une rentrée théâtrale beaucoup moins agitée que prévu. Plus marginales, leurs mobilisations sont moins suivies par la presse. De leur point de vue, il n'est pas illogique de tenter de profiter du système médiatique, en remplaçant l'effet de masse par des faits d'éclat. Il est tout aussi logique pour leurs cibles d'y résister.
par Geneviève
Goetzinger
[13/11/2003]