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Guantanamo

Des méthodes «équivalentes à la torture»

Un prisonnier est escorté par la police militaire US à l'intérieur du camp Delta de la base aéronavale de Guantanamo. 

		(Photo: AFP)
Un prisonnier est escorté par la police militaire US à l'intérieur du camp Delta de la base aéronavale de Guantanamo.
(Photo: AFP)
Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a confirmé mardi avoir remis un rapport confidentiel à l’administration Bush critiquant le traitement des prisonniers détenus sur la base de Guantanamo Bay à Cuba. L’organisation a cependant refusé de corroborer les informations publiées par la presse américaine selon lesquelles les méthodes utilisées par l’armée dans ce camp de détention relèveraient de la torture. La confidentialité du document remis aux Etats-Unis est en effet la contrepartie de l’accès aux prisonniers dont bénéficie actuellement la Croix-Rouge, a notamment fait valoir l’organisation. Les autorités américaines ont pour leur part catégoriquement démenti toute forme d’abus à Guantanamo soulignant même que les détenus étaient «traités humainement».

L’information a été révélée par le très sérieux New York Times. Citant une note interne de l’administration américaine qui reprend les conclusions du rapport de la Croix-Rouge –dont il publie de larges extraits– le quotidien rapporte qu’une équipe de l’organisation internationale s’est rendue en juin dernier dans le camp de détention de Guantanamo où elle a pu constater l’utilisation de mesures de coercition psychologique et parfois physique «équivalentes à la torture». Elle a notamment fait état, affirme le journal, d’«un système intentionnel de traitement cruel, inhabituel et dégradant» destiné à briser la volonté des quelque 550 prisonniers incarcérés depuis bientôt trois ans dans la base américaine. Le CICR a également estimé que les méthodes utilisées par l’armée irakienne visaient à rendre les détenus entièrement dépendants de leurs interrogateurs à travers notamment «des actes humiliants, l’isolement, des températures extrêmes et l’usage de positions forcées». Selon lui, les méthodes employées étaient en juin «plus perfectionnées et plus répressives» que celles constatées lors de visites précédentes. Dans ce contexte, souligne le rapport de l’organisation, «la construction d’un tel système, dont l’objectif déclaré est la récolte d’informations, ne peut être considérée autrement que comme une forme de torture».

Le New York Times affirme en outre que la Croix-Rouge a particulièrement mis en cause le rôle des médecins dans l’organisation d’un tel système répressif. L’organisation affirme notamment que le personnel médical aurait participé activement à la conduite des interrogatoires en communiquant aux enquêteurs des informations relatives à la santé mentale et aux points vulnérables des détenus. Ces données, censées rester confidentielles, seraient, affirme le quotidien, recueillies par une équipe des sciences du comportement (BSCT) composée de psychologues et de spécialistes de la pression psychologique. Autre abus signalé par l’équipe du CICR et dénoncé comme «une violation flagrante de l’éthique médicale», la mise à disposition des dossiers médicaux des détenus aux interrogateurs qui a eu pour conséquence de briser la confiance des prisonniers dans les médecins travaillant dans le camp de détention.

Démenti catégorique du Pentagone

La Croix-Rouge affirme par ailleurs dans son rapport, qui a été remis aux juristes de la Maison Blanche, au Pentagone, au département d’Etat et au commandant de la base de Guantanamo, qu'outre l'exposition à des bruits ou à de la musique très puissants et persistants, ou au froid prolongé, les prisonniers étaient parfois battus. Des informations corroborées par le New York Times qui affirme avoir recueilli des témoignages de mauvais traitements de ce type auprès de militaires et d’agents du renseignement. L’une des méthodes utilisées consiste à soumettre un prisonnier en sous-vêtements, maintenu assis pieds et mains entravés, à une lumière stroboscopique et à une violente musique de rap ou de rock diffusée par deux haut-parleurs rapprochés et à une climatisation poussée à fond.

Le Pentagone a vivement réagi à toutes ces informations. «Nous démentons avec vigueur toute accusation de torture à Guantanamo Bay et rejetons catégoriquement les allégations selon lesquelles le traitement des détenus de Guantanamo n'est pas approprié», a notamment dénoncé un porte-parole du département à la Défense, Flex Plexico. Dans un communiqué, il a également précisé que le Pentagone avait enquêté sur des accusations de mauvais traitements dans la base américaine et n'avait rien découvert. «Dans tous les cas où pèse un soupçon d'abus, le ministère a examiné les allégations sans trouver de preuves crédibles d'abus», a-t-il précisé. Selon lui, «les Etats-Unis n'autorisent pas, ni ne tolèrent la torture dans quelque situation que ce soit».

Selon le New York Times, le gouvernement et les responsables militaires américains ont reçu le rapport de la Croix-Rouge et en ont rejeté toutes les conclusions.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 01/12/2004 Dernière mise à jour le 01/12/2004 à 15:48 TU