Ukraine
La Cour suprême donne raison à l’opposition
(Photo: AFP)
La victoire du candidat du pouvoir, Viktor Ianoukovitch, annoncée à la suite des élections du 21 novembre dernier, a été invalidée par la Cour suprême ukrainienne. En reconnaissant l’existence de fraudes, la cour donne raison au candidat de l’opposition Viktor Iouchtchenko qui dénonce depuis douze jours «le vol des voix du peuple». Elle va aussi dans le sens de la décision du Parlement qui avait, avant elle, estimé que l’élection n’était pas valide. D’autre part, la Cour suprême a choisi de demander à la commission électorale d’organiser un nouveau second tour de l’élection présidentielle dans un délai très rapide puisqu’elle propose la date du 26 décembre. Elle donne donc aussi sur ce point son appui à la solution préconisée par le candidat de l’opposition, dont les partisans bloquent toujours la principale place de Kiev et l’accès au siège du gouvernement.
Cette décision rejette donc l’ensemble des requêtes du candidat Ianoukovitch et de son parrain, le président sortant Léonid Koutchma. Dans le cadre des négociations entamées depuis le début de la crise, ce dernier avait ainsi fait un certain nombre de propositions qui allaient dans un sens opposé. Il s’était notamment dit prêt à accepter l’organisation d’une nouvelle élection et à démettre de ses fonctions son Premier ministre, Viktor Ianoukovitch, comme le Parlement l’avait réclamé. Si tant est que la réforme constitutionnelle visant à diminuer les pouvoirs du président au profit du Premier ministre et du Parlement, qu’il tente de faire passer depuis plusieurs mois, soit finalement entérinée. De cette manière, Léonid Koutchma espérait pouvoir anéantir les effets d’une éventuelle victoire de l’opposant réformateur Viktor Iouchtchenko, lors d’une présidentielle qui aurait de fait perdu son enjeu politique.
Moscou perd des pointsCorollaire de cette condition préalable, le président Koutchma préconisait l’organisation d’une autre élection complète et non simplement d’un nouveau deuxième tour. Officiellement, il s’agissait de garantir ainsi le caractère insoupçonnable de l’élection après les accusations de fraudes qui avaient entaché le premier scrutin. Mais il était, en fait, surtout question d’éviter un règlement immédiat du conflit comme le demandait l’opposition. La convocation de nouvelles élections aurait en effet pris plusieurs mois. Le président aurait donc pu utiliser ce délai pour changer son fusil d’épaule et proposer un nouveau candidat à la place de Viktor Ianoukovitch. Le nom de Serhiy Tyhypko, ancien directeur de la Banque centrale, circulait d’ailleurs déjà comme celui du poulain de remplacement auquel Koutchma aurait pu choisir d’accorder son soutien. L’organisation d’ici quelques mois d’un nouveau scrutin aurait eu un autre avantage non négligeable du point de vue de Léonid Koutchma : permettre d’attendre l’essoufflement du mouvement populaire qui a permis à l’opposant Viktor Iouchtchenko de remettre en cause les résultats de l’élection selon lesquels son adversaire était en tête.
L’annulation des résultats de l’élection du 21 novembre par la Cour suprême est «définitive». Elle ne peut faire l’objet d’aucun appel. Il n’est donc pas possible de revenir en arrière ou de mettre en cause cette invalidation dans le respect des institutions ukrainiennes. Il s’agit donc d’une décision importante dont les implications dépassent même le cadre du pays puisqu’elle marque une forme de résistance face à l’influence russe. Moscou a, en effet, depuis le début de la crise, apporté son soutien au camp de Koutchma et Ianoukovitch. Les députés de la Douma [chambre basse du Parlement russe] ont même dénoncé l’activité des médiateurs de l’Union européenne ou de l’Organisation pour la sécurité et le coopération en Europe (OSCE), soucieux du respect d’un processus démocratique plutôt favorable à l’opposition, comme étant susceptible de provoquer «des désordres massifs, le chaos et une partition du pays». Vladimir Poutine lui-même a apporté son soutien à la demande formulée par le président Koutchma pour recommencer le processus électoral à zéro. Il a ainsi affirmé : «Une réédition du deuxième tour risque de ne pas fonctionner». La Cour suprême n’a pas entendu ce message et a estimé que le vote du 21 novembre «ne change pas le statut des deux candidats». Ce sont donc Viktor Ianoukovitch et Viktor Iouchtchenko qui affronteront de nouveau le suffrage populaire d’ici la fin du mois de décembre.
par Valérie Gas
Article publié le 03/12/2004 Dernière mise à jour le 03/12/2004 à 17:41 TU