Principe de précaution

Le principe de précaution doit-il dorénavant présider à tous nos actes ?

Depuis quelques années la question est régulièrement soulevée. Que ce soit dans le domaine de la santé, celui de l’environnement, de la justice et bien d’autres encore.

Jusqu’à présent, on l’avait écarté dans le domaine du sport, en dehors des Jeux Olympiques et de la Coupe du monde de football où depuis les événements de Munich en 1972 et, plus récemment, ceux du 11 septembre 2001, les mesures de sécurité sont devenues  draconiennes.

Principe de précaution d’accord, disait-on, mais le risque zéro n’existe pas. Bien obligé de faire avec.

Ce qui s’est passé dimanche dernier sur le circuit d’Indianapolis ne s’était jamais produit auparavant. Sur les vingt voitures engagées au départ du Grand Prix des Etats-Unis de Formule 1, quatorze n’ont pas pris le départ, rentrant aux stands sitôt la fin du tour de formation. Répondant aux recommandations de Michelin, leur fournisseur de pneumatiques. Lors des essais, deux jours auparavant, la voiture de l’Allemand Ralf Schumacher avait violemment heurté un mur, à plus de 300km/h après éclatement du pneu arrière gauche.

Dans l’incapacité d’identifier la défaillance, qu’ils reconnaissent bien volontiers, les ingénieurs Michelin demandent aux sept écuries qu’ils chaussent de ne pas courir le dimanche. Dans le même temps, ils suggèrent aux organisateurs, afin que la course puisse avoir lieu, soit de les autoriser à faire venir de France de nouveaux pneumatiques, ce que le règlement interdit, soit d’installer une chicane sur le circuit, avant le virage relevé qui précède la ligne droite des tribunes. La réponse de la fédération internationale est doublement non : non à d’autres pneus, non à la chicane. On ne transgresse pas les règles au prétexte qu’un concurrent aurait commis une faute. Ici, faute avouée n’est pas pardonnée.

Résultat : seulement six voitures au départ du Grand Prix. Une mascarade, une parodie de sport automobile.

La question reste bien évidemment d’actualité : fallait-il, dans ces conditions, laisser partir les monoplaces. Il y a les pour, il y a les contre. Il y a ceux qui disent qu’on n’a pas le droit de jouer ni avec la vie des pilotes, ni avec celle des spectateurs. Et de rappeler qu’il y a exactement cinquante ans, la célèbre course des 24 heures du Mans avait été endeuillée par l’explosion d’une voiture causant la mort de 79 personnes. Et ceux qui, avec le même aplomb, argumentent que le sport automobile est un sport de vitesse donc un sport dangereux. Et qui s’interrogent : quel avenir pour les sports mécaniques dans une société qui bannit jusqu’à l’idée de risque ?

Peut-on à ces derniers opposer les concepts de bon sens et de sagesse ? Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ?

«The show must go on» comme disent les Américains. Le spectacle doit continuer. Si vous voulez mon avis, pas à n’importe quel prix. Dans certains cas, oui, le principe de précaution s’impose ; en premier lieu, par respect du public.

par Gérard  Dreyfus

[25/06/2005]