Le bois tropical brésilien va-t-il manquer ?

Y aura-t-il encore du bois à charger au port de Belem au printemps prochain ? Certains importateurs s’interrogent, c’est le cas du Français François Guillemette dont l’activité repose aux deux tiers sur le Brésil. Ce qui lui a mis la puce à l’oreille, ce sont les prévisions effectuées par plusieurs ONG engagées dans le programme de lutte contre la déforestation. Elles estiment que les surfaces exploitables en 2005 ont régressé de 60% par rapport à l’année précédente, pour toute l’Amazonie. Une baisse due à la politique rigoureuse menée par l’IBAMA, l’organisme chargé de contrôler l’exploitation forestière au Brésil. Sous l’impulsion de la ministre de l’Environnement très engagée contre la déforestation, l’IBAMA a sérieusement limité le nombre d’autorisations accordées pour exploiter de nouvelles parcelles. Il est trop tôt pour évaluer les conséquences sur le marché, c’est encore la période de la coupe autorisée pendant toute la saison sèche de juillet à janvier, les réductions de l’offre n’apparaîtront qu’au printemps.

Toutefois, l’économie sylvicole a aussi une face cachée qui va probablement limiter les effets de la politique gouvernementale. C’est l’existence d’une exploitation illégale que le Brésil avec son arsenal de satellites pour observer l’immense forêt amazonienne ne parvient pas encore à juguler. «Cette exploitation est le fait des trafiquants voyous, explique François Guillemette, mais aussi d’entreprises qui ont investi des millions dans la filière en machines, en transport, en usines. Pour rentabiliser ces investissements colossaux, elles se passent du feu vert des autorités, parfois long à venir». Un phénomène amplifié par la corruption mais aussi par une demande exacerbée. Américains et Européens raffolent des essences d’Ipé ou de Jatoba pour le parquet de leur demeure, mais il y a aussi, et surtout, les Chinois qui sont à l’affût du moindre grume pour la construction et la fabrication de contre-plaqué. Il n’est pas rare de croiser en Amazonie un émissaire chinois, peu regardant sur les conditions de la coupe, prêt à payer cash une cargaison. Signe des temps : les Philippines qui ont alimenté le marché européen en essences tropicales jusque dans les années 80, se voient aujourd’hui contraintes d’importer du bois brésilien. Avec l’épuisement des forêts d’Asie et la faiblesse de l’offre africaine, le bois brésilien a vu son prix grimper de plus d’un tiers en une année, une augmentation qui pourrait encore s’exacerber si le tassement de l’offre se confirme.

par Dominique  Baillard

[18/11/2005]