L’or noir africain convoité par toute l’Asie

En prenant une participation de 45% dans un gisement nigérian, la première compagnie pétrolière chinoise offshore, la CNOOC, réalise sa plus coûteuse acquisition à l’étranger depuis son introduction en bourse. On est loin des 18 milliards qu’elle était prête à débourser l’année dernière pour contrôler l'américain Unocal mais, tout de même, les 2 milliards 200 millions de dollars qu’elle est capable de financer sur ses fonds propres pour l’or noir du Nigeria constitue déjà une coquette somme à l’aune des investissements pétroliers.

Cette annonce faite hier à Pékin tombe à pic : demain le ministre chinois des Affaires étrangères Li Zhaoxing commence une tournée africaine placée sous le signe de l’énergie. Son passage à Lagos pourrait être l’occasion d’officialiser ou de préciser cette transaction.

Depuis le réveil du géant de l’Asie on a beaucoup glosé sur son insatiable appétit notamment en ressources énergétiques. Un fait à retenir : le quart du pétrole consommé en Chine provient aujourd’hui d’Afrique, essentiellement d’Angola et du Soudan. Pour accaparer cette ressource essentielle à son essor la République populaire de Chine use d’une stratégie maintenant bien connue : outre des investissements massifs consentis en aval dans les infrastructures - des ports, des routes, des chemins de fer ou des usines comme la raffinerie bâtie à Khartoum -, elle met à la disposition de ces petits nouveaux de la production pétrolière des financements exceptionnels, sans parler des contrats de livraison d’armes ou des soutiens diplomatiques qui agrémentent les contrats passés.

Bref tout un arsenal politico-économique qui agace les Etats-Unis, d’abord parce que le premier consommateur mondial voudrait profiter plus largement du pétrole léger peu sulfuré du Golfe de Guinée et ensuite parce que cette présence chinoise en Afrique pose de nouvelles questions géostratégiques.

« Le sujet amplement relayé par les médias a une réelle importance politique… symbolique ! estime Philippe Vasset, rédacteur en chef de la lettre d’information Africa Energy Intelligence, mais concrètement la vraie compétition est ailleurs ». Ce ne sont pas les majors occidentales incapables de rivaliser avec les méthodes du mastodonte de l’Asie que Pékin cherche à évincer ou à doubler sur le continent noir mais ses concurrents asiatiques directs qui emploient de méthodes similaires. Ainsi en Libye comme au Nigeria, deux pays que Li Zhaoxing visitera dans les jours qui viennent, les Chinois doivent d'abord affronter les Coréens, les Taiwanais, les Indiens ou les Japonais. Des consommateurs tout aussi gloutons et avides. Cela s’est vérifié en Libye où la plupart des derniers appels d’offre ont été remportés par des compagnies asiatiques et c'est encore plus vif au Nigeria qui reste de loin le premier producteur pétrolier de l’Afrique.

par Dominique  Baillard

[10/01/2006]