Afrique : chemins clandestins vers l’Europe
Bamako : le passeport malien, un sésame recherché
(Carte : RFI)
De notre correspondant à Bamako
Il faut revenir à Bamako, au Mali, pour savoir pourquoi le passeport malien est tellement prisé par les candidats au « voyage » vers l’Europe. Pour comprendre également comment les réseaux de passeurs se ravitaillent.
Le passeport malien est un sésame sur la route de l’Europe. « Tout détenteur d’un passeport malien entre en Algérie et au Maroc sans visa. C'est pourquoi, les gens viennent ici prendre des passeports pourt continuer la “route des clandestins“ », explique un responsable du ministère malien de l'Intérieur. Résultat : une fois parvenus au Mali, les candidats à l'émigration clandestine se « malianisent » à l’aide de vrais ou de faux documents.
Un passeport coûte entre 250 et 500 euros
Pour ce qui concerne les faux, tout d’abord, le ministre des Maliens de l'Extérieur, Oumar Dicko dénonce les trafiquants et menace à demi-mot : « Nous avons localisé en Europe des gens qui organisent une mafia autour de l'émigration clandestine, et des documents de voyage ». Il n'en dira pas plus. Dans d'autres milieux plus bavards à Bamako, on assure que les forces de sécurité seraient sur le point de démanteler la filière des « faux passeports maliens ». Plusieurs seconds couteaux seraient déjà aux arrêts.
D'après nos informations, outre quelques complicités à l'intérieur du pays, c'est en Allemagne que les réseaux de passeurs fabriquent de faux passeports maliens qu'ils envoient ensuite directement au nord du Mali, mais aussi en Algérie, au Niger, et au Maroc. Un passeport serait vendu 500 euros aux candidats individuels (hors filière d'immigration clandestine) et 250 euros à ceux qui sont arrivés grâce à des réseaux mafieux.
D’authentiques passeports maliens sont aussi parfois attribués à des étrangers. Un grand flic de Bamako explique : « Pour obtenir un passeport malien, il faut une pièce d'identité nationale, établie dans un commissariat. Pour obtenir la carte d'identité malienne, il faut un acte de naissance, avec mention “nationalité malienne“. En réalité, la magouille commence là ». Lorsqu'un Togolais, avec quelques billets, devient Diakité, Coulibaly ou Diabaté, des patronymes bien maliens, il obtient en un temps record un véritable passeport malien.par Serge Daniel
Article publié le 27/04/2006 Dernière mise à jour le 27/04/2006 à 16:19 TU
Les articles du dossier:
- > Maroc: la porte de l'Europe s'est refermée
- > Nigeria-Bénin : avec les réseaux de passeurs
- > La vie brisée de Zéïnabou échouée à Oujda
- > Bamako : le passeport malien, un sésame recherché
- > « Si le téléphone ne répond pas, soit je suis en Europe, soit je suis mort »
- > Ghana : 500 euros pour rejoindre Gao ou Agadez
- > Nouadhibou : l’Europe ou la mort en pirogue
- > Mali-Algérie : la traversée du désert
- > Maroc : petit et gros business des passeurs
Réalisation multimédia: Claire Wissing, Stéphanie Bourgoing et Darya Kianpour