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Afrique : chemins clandestins vers l’Europe

Mali-Algérie : la traversée du désert

Parvenus au Mali, les candidats à l’émigration vers l’Europe gagnent l’Algérie qu’il leur faut traverser pour atteindre le Maroc. Les passeurs sont là pour ça. Le carnet de route de notre envoyé spécial.

De notre envoyé spécial

Le départ de Bamako pour le Maroc, via l'Algérie, est une nouvelle étape. Bamako-Gao, 900 kilomètres. Porte du désert malien. C'est un autre nid de passeurs. Ici, James fait figure de vétéran. C'est le correspondant d'un réseau qui prend sa source au Nigeria. On découvre avec lui qu'il n'existe pas en réalité de réseau de passeurs très structuré. Il y a un point de départ, un point d'arrivée. Entre les deux, chacun fait son business. C'est tout. Le clandestin pour poursuivre sa route devient à son tour passeur. Et parmi les passeurs, il y a des escrocs, des intermédiaires, des voyous, tout simplement.

Conduits dans la ville malienne de Gao, les candidats au départ retrouvent sur place d’autres migrants qui sont venus là par leurs propres moyens. Les passeurs se frottent les mains. Les isolés sont une proie facile. Le passeur a une doctrine : se faire respecter par le clandestin. Il matraque son cerveau d'une antienne : « Ta vie est entre mes mains ».

Le jour du départ de Gao, le passeur et ses subordonnés embarquent les clandestins en dehors de la ville, dans le désert. De détours en détours, le véhicule évite les rares barrages militaires. Et si par hasard, on tombe sur des flics, quelques billets font office de « calmants ».

Des réseaux de passeurs interconnectés

Neuf heures de route plus tard, le véhicule arrive dans la ville malienne de Kidal, chef lieu de la région, qui est adossée à l'Algérie. Là, d'autres passeurs attendent. Ils subdivisent le groupe en deux. Les uns prennent la direction de l'Algérie, côté sud, vers la localité de Tinzaouatine. Les autres piquent vers le grand Nord. Après avoir traversé Tessalit, ils échouent à Inhallil, nom  de la ville algérienne de Bordj. A Tinzaouatine et à Inhallil, d'autres passeurs font la jonction avec les réseaux algérien et marocain. Le monde des passeurs est interconnecté.

Mohamed est un jeune passeur algérien. Son véhicule -un pick-up- est déglingué. Il faisait un petit trafic d'essence, de cigarettes entre le Mali et l'Algérie, et transportait parfois même de la drogue. Un soir, il est tombé sur une bande de trafiquants d'armes. Arrosé de balles, son acolyte est mort sur le coup. Il a pu décamper et s'est reconvertit depuis en passeur. Moins dangereux. Il connaît par coeur le désert. Comme lui, des dizaines d'autres personnes font le même job. Les tarifs varient de 300 à 500 euros pour aller à la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Plus précisément vers la ville marocaine de Oujda.

Pour bon nombre de clandestins, le Maroc est «la porte du paradis». C'est par là, après avoir traversé l'Algérie, que ces candidats à l’émigration tentent de pénétrer clandestinement en Europe, via les enclaves espagnoles de Ceuta et de Melilla.

par Serge  Daniel

Article publié le 27/04/2006 Dernière mise à jour le 27/04/2006 à 16:21 TU