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Centrafrique

Impunité internationale

Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo, est critiqué dans le rapport de la FIDH pour sa façon de conduire les dossiers dont il a la charge. 

		(Photo : AFP)
Le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo, est critiqué dans le rapport de la FIDH pour sa façon de conduire les dossiers dont il a la charge.
(Photo : AFP)
Dans un rapport publié aujourd’hui, la Fédération internationale des droits de l’homme dénonce les lenteurs de procédure de la justice internationale qui conduisent à l’impunité en Centrafrique.

De notre correspondante à La Haye

Dans un rapport publié aujourd’hui et intitulé «Oubliées, stigmatisées : la double peine des victimes de crimes internationaux», la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) dénonce l’impunité en République centrafricaine (RCA). Avec ce document, une compilation d’enquêtes conduites de novembre 2002 à juin 2006, l’organisation ne s’adresse en réalité pas aux autorités centrafricaines, mais au procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Le parquet de la juridiction, basée à La Haye aux Pays-Bas, avait été saisi par la Centrafrique le 21 décembre 2004 des crimes commis sur son territoire depuis le 1er juillet 2002. Mais «le procureur de la CPI n’a pourtant toujours pas pris sa décision quant à l’ouverture d’une enquête sur la situation en RCA», dit la FIDH, «et l’inaction de la CPI contreviendrait à son objectif de prévention de nouveaux crimes».

Selon la procédure en vigueur devant la Cour, compétente pour poursuivre les responsables de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis sur le territoire ou par des ressortissants d’Etats ayant ratifié son traité, le procureur doit procéder à une analyse préalable avant l’ouverture effective d’une enquête. «Une équipe d’analystes et de conseillers s’est rendue en Centrafrique l’an dernier [en novembre 2005]», explique le parquet, qui évoque en outre «un processus nécessairement long et complexe». Le procureur de la CPI, Luis Moreno Ocampo conduit déjà trois enquêtes, en République démocratique du Congo (RDC), en Ouganda et au Darfour. Mais dans ces trois affaires, la durée des analyses n’avaient pas dépassé six mois. Depuis sa création, il y a quatre ans, la Cour a déterminé certains critères nécessaires à l’ouverture des poursuites dont celui de la «gravité» des crimes perpétrés, qu’elle doit aujourd’hui prendre en compte. Par ailleurs, la Cour étant complémentaire des Etats, elle ne peut agir que si l’Etat est défaillant, techniquement ou politiquement.

Les ravages de l’impunité

Or, dans son rapport, la FIDH passe en revue les différentes procédures conduites à Bangui pour conclure à l’inefficacité des poursuites. Ce que confirment les juges centrafricains dans une décision du 11 avril 2006. «L’incapacité des services judiciaires centrafricains à mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites (…) ne fait pas de doute.» D’autant plus, précise la FIDH, que les individus visés par cet arrêt sont à l’étranger. L’ancien président Ange-Félix Patassé, qui avait perdu le pouvoir en octobre 2002 suite au coup d’Etat conduit par le général Bozizé, l’actuel président, est au Togo. Jean-Pierre Bemba est vice-président de la République voisine du Congo-Kinshasa, mais continuerait de conduire des groupes de mercenaires pour des expéditions en Centrafrique, enfin l’ex-gendarme français Paul Barril, soupçonné d’avoir conduit une équipe de mercenaires à la demande de l’ancien président Patassé, «se trouve souvent sur le territoire français», écrit avec une pointe d’ironie l’organisation. «Les autorités françaises seraient tenues d’ouvrir une enquête à son encontre ou de le transférer à la CPI dans l’hypothèse ou un mandat d’arrêt serait délivré à son encontre», menace-t-elle, se jouant aussi des obligations de la France au regard des traités qu’elle a ratifiés.

La FIDH estime que la situation est grave. «Il est édifiant de constater que la plupart des présumés responsables des crimes commis en 2002-2003, dont la responsabilité pénale internationale pourrait être reconnue par la CPI, sont les acteurs du nouveau conflit, démonstration probante des ravages de l’impunité», estiment les rapporteurs qui rappellent que, depuis septembre 2005, «une rébellion se manifeste» dans le nord du pays.

par Stéphanie  Maupas

Article publié le 12/10/2006 Dernière mise à jour le 12/10/2006 à 08:14 TU