Chronique de Jean-Baptiste Placca
On a forcément mal au cœur de voir des Africains persécutés dans un autre pays du continent, simplement parce qu’ils sont étrangers. On a d’autant plus mal quand c’est l’Afrique du Sud qui devient ainsi un enfer pour des Zimbabwéens. Car le peuple de ce pays, qui aspire à représenter l’Afrique au Conseil de sécurité des Nations unies, sait, mieux que n’importe quel autre sur ce continent, ce que c’est que de devoir fuir son pays pour des raisons politiques ou autres. Pour venir à bout du régime d’apartheid, il a eu besoin de l’hospitalité des autres : Zambie, Tanzanie, et même Zimbabwe !
En théorie, la charte africaine des droits de l’homme et des peuples interdit l’expulsion en masse de non-nationaux. Mais cette pratique s’est banalisée à un tel point qu’on ne sait plus sous quelle forme elle apparaîtra la fois d’après. Elle a le visage de la xénophobie ordinaire, lorsqu’une partie de la population croit voir dans l’étranger les causes de ses difficultés. En 1958, plus de 10 000 Dahoméens et Togolais ont ainsi été expulsés de Côte d’Ivoire, parce que jugés trop nombreux dans l’enseignement et dans l’administration.
Cette calamité prend le visage de la manipulation lorsque, pour masquer leur incapacité à résoudre les problèmes de leur peuple, les dirigeants politiques mettent en scène les expulsions massives d’étrangers. Au palmarès de ces pages lugubres, le Dr Kofi Busia, du Ghana : un million d’Africains expulsés, en 1969 ! Shehu Shagari, du Nigeria : près de 2 millions, en 1983 ! Et la liste est longue ! Sans compter les mouvements plus ou moins spontanés, souvent déclenchés par un incident banal. Une bagarre sur un marché, un match de football perdu, et voilà toute une communauté étrangère traquée, contrainte de fuir le pays d’accueil.
En 1978, les Béninois du Gabon ont eu à payer pour les attaques du président Kérékou contre Omar Bongo, accusé de complicité dans une tentative de débarquement de mercenaires à Cotonou, en janvier 1977. Après avoir boycotté le sommet de l’OUA, qui se tenait cette année-là à Libreville, Kérékou s’est déchaîné, en juillet 1978 à Khartoum. A ses pairs, qui tentaient de le calmer, il a répondu, dans un tonnerre d’applaudissements et d’éclats de rires :
« On nous a reproché de n’être pas allé à Libreville. Parce que, nous a-t-on dit, le linge sale se lave en famille. Je voudrais qu’on m’explique quelle est cette famille, qui est le père de famille, qui est la mère de famille, qui a sali le linge, et qui va le laver ? »
Drôle de famille, en effet, que celle qui expulse, sans états d’âme, cousins et neveux, et même parfois des frères.
par Jean-Baptiste Placca
[24/05/2008]
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