Chronique de Jean-Baptiste Placca
Si on leur en laissait le loisir, les partisans de Jean-Pierre Bemba seraient bien capables de nous persuader de verser quelques larmes sur le sort de leur leader, arrêté en Belgique, le 24 mai, sur requête de la Cour pénale internationale.
On a déjà tant pleuré sur les malheurs du Congo, et ce qui nous reste de larmes serait sans doute plus utile aux quelque 600 femmes violées en Centrafrique qu’à Monsieur Bemba, l’employeur des violeurs, ou à Ange-Félix Patassé, le commanditaire. Car ce qui est reproché à l’ancien vice-président du Congo, c’est d’avoir déversé ses hommes sur Bangui, sans les nourrir, sans les payer. En marge des pillages, ces chiens enragés se sont livrés à des viols et à des actes de torture, de manière systématique.
On est dans le registre des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Et que propose Monsieur Bemba ? De verser une caution pour recouvrer la liberté, en promettant d’aller s’expliquer, le moment venu. De l’argent ! Comme toujours ! Cette propension des acteurs de la vie politique congolaise à faire passer l’argent avant la vie et la dignité des hommes est proprement ahurissante. Il faut bien, de temps à autre, quelques voix pour le leur dire.
Et c’est ici que l’on rejoint l’autre actualité de la RDC : le droit moral que revendique, pour son pays, le chef de la diplomatie belge sur le Congo. Karel De Gucht a peut-être été maladroit dans le choix de ses mots. Mais on aurait du mal à lui donner tort, s’il s’agit du devoir de critique vis-à-vis des dirigeants d’un Etat auquel la Belgique consacre quelque 200 millions de dollars par an, sans que jamais le sort de la population ne s’améliore.
Certes, les citoyens congolais digèrent mal d’avoir subi, avec la Belgique, une des colonisations les plus avilissantes de l’histoire de l’Afrique. Assurément, ce pays a sa part de responsabilité dans l’élimination physique de Patrice Lumumba.
Mais il n’empêche qu'après trente-deux ans de dictature de Mobutu et onze ans de Kabila (père et fils), le minimum que l’on doit au peuple congolais est de ne pas se taire quand ses dirigeants privilégient leur ventre à l’intérêt général. La critique, ici, devient un devoir urgent, quoi qu’en pense une classe dirigeante qui voudrait nous faire croire que le pouvoir transforme automatiquement ceux qui y accèdent en respectables hommes d’Etat.
Hélas, il se trouve qu’en Afrique, aujourd’hui, il est plus facile pour les fripouilles de parvenir au pouvoir que ce ne peut l’être pour les honnêtes gens.
par Jean-Baptiste Placca
[31/05/2008]
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