Chronique de Jean-Baptiste Placca
Le général Mohamed Ould Abdel Aziz a mis fin, ce mercredi 6 août, à l’expérience démocratique qui a réhabilité, depuis mars 2007, la Mauritanie et son armée aux yeux du monde, faisant la fierté d’une Afrique francophone plutôt sevrée d’élections réellement transparentes.
« Il se prenait pour un vrai président ! Il a oublié qu’il n’était qu’un homme de paille ! ». Voilà l’aveu que font, en privé, les putschistes mauritaniens et leurs amis, pour justifier leur coup d’Etat.
Certes, beaucoup soupçonnaient le candidat Sidi Ould Cheikh Abdallahi, mystérieusement sorti des bérets militaires durant la transition, d’être en mission commandée. Dans leur manipulation, les officiers supérieurs l’ont utilisé pour barrer la route aux opposants les plus en vue. Et, comble de la perversité, ils l’ont choisi à un âge suffisamment avancé, 70 ans, pour qu’il ne puisse pas prétendre à un second mandat. D’ici là, Abdallahi se devait d’être obéissant.
Mais, comme souvent dans ce genre de supercherie, le président prête-nom en a eu assez de se laisser dicter ses décisions. Il s’est mis à en faire à sa tête, à choisir des ministres sans l’autorisation préalable des officiers supérieures. Pour finir, il a décidé, suicidaire audace, de destituer ceux qui osaient lui demander des comptes. Bref, il s’est pris pour un vrai président.
Les généraux mauritaniens se sont donc trompés sur leur homme. Une telle erreur de jugement laisse perplexe, quant à leur propre capacité à faire des choix judicieux pour leur peuple. Sans compter le ridicule qui consiste à promettre des élections libres et démocratiques, quinze mois à peine après une présidentielle dont même le vaincu n’a pas contesté la transparence.
Le propre de la démocratie, lorsque l’on s’est trompé en faisant un mauvais choix, est d’assumer, jusqu’à la fin du mandat, s’il n’y a pas matière à destitution.
Le général Ould Abel Aziz ne manque manifestement pas d’humour. Il affirme être le défenseur de la démocratie. Et pour bien le prouver, il fait donner la charge sur les manifestants protestant contre son coup d’Etat, tandis que lui-même recevait officiellement ceux qui, sur commande, sont descendus dans la rue pour soutenir sa forfaiture.
C’est en voyant, à l’œuvre, des généraux comme ceux qui font la loi à Nouakchott, que l’on réalise la chance qu’ont eue, en d’autres temps, les Ghanéens, avec Jerry Rawlings, et les Maliens, avec Amadou Toumani Touré. De vrais hommes d’honneur !
par Jean-Baptiste Placca
[09/08/2008]
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