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Chronique de Jean-Baptiste Placca

Sénégal : en toute légalité !

Jean-Baptiste Placca 

		(Photo : S.Bonijol/RFI)
Jean-Baptiste Placca
(Photo : S.Bonijol/RFI)

Que diriez-vous d’un « saucissonnage » des mandats présidentiels ? Un an, renouvelable trois, quatre fois, ou même six fois, pourquoi pas ! On reconduirait les chefs d’Etat en fonction de leurs performances, et ils seraient sanctionnés à la mesure de leurs manquements. Ou de leurs abus. Goûter un peu à la précarité pourrait les aider à se préoccuper davantage de leur pays et de leurs peuples.

Pour expérimenter la formule, il n’y a pas mieux que le Sénégal, où l’on sait si bien moduler la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale, en fonction de la volonté d’Abdoulaye Wade. A l’exception, téméraire, d’une quinzaine de députés qui pourraient avoir à le payer très cher, les parlementaires du PDS (au pouvoir au Sénégal) viennent de réussir ce que les constitutionnalistes, dans leurs cauchemars les plus agités, n’avaient encore osé imaginer : modifier, de fait, la Constitution, rien que pour se débarrasser, avec effet rétroactif, d’un ami devenu gênant.

Sur commande, ils ont donc légiféré, pour ramener à un an le mandat du président de l’Assemblée nationale, dont la durée, constitutionnellement, est pourtant alignée sur celle de la législature, c’est-à-dire cinq ans. Macky Sall, l’actuel occupant du perchoir, va pouvoir être éjecté en toute légalité, pour avoir manqué à ses devoirs de docilité, en demandant, notamment à entendre Karim Wade, le fils du chef de l’Etat, sur l’agence par laquelle ont transité les milliards de la Conférence islamique.

Ainsi va le Sénégal de maître Abdoulaye Wade ! Sous la présidence de cet avocat de renom – qui a enseigné le droit à plusieurs générations d’étudiants africains –, l’arsenal législatif est devenu un dispositif de dissuasion, pointé en direction des opposants trop remuants et des journalistes irrévérencieux, mais, surtout, impitoyable avec les partisans tentés par la dissidence. L’ancien premier ministre Idrissa Seck, hier, Macky Sall, aujourd’hui.

Abdoulaye Wade s’agacerait d’être si régulièrement mis à l’index. Il semble ne pas comprendre pourquoi l’opinion africaine est si exigeante avec lui. Peut-être a-t-il déjà oublié que, dans les années 1980 et 1990, il a incarné, à lui tout seul, l’opposition déterminée et l’aspiration des peuples d’Afrique (francophone en tout cas) à une démocratie authentique. En la matière, il a donc plus de devoirs que d’autres chefs d’Etat.

Aussi, lorsque, aujourd’hui au pouvoir, il donne l’impression d’ajuster la loi et le pouvoir d’Etat à des fins punitives visant des ex-protégés et tous les « ingrats », les admirateurs d’hier y voient non seulement un aveu de faiblesse de la part d’un vieux lion dont l’autorité, sur ses troupes, est prise à défaut, mais aussi, et c’est bien plus accablant, comme une renonciation.


par Jean-Baptiste  Placca

[18/10/2008]

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