par Danielle Birck
Article publié le 25/02/2008 Dernière mise à jour le 03/03/2008 à 12:26 TU
Plumassier : un terme qui parait quelque peu désuet aujourd’hui pour désigner le travail de la plume, mais qui, pour la maison Lemarié, recouvre une activité bien réelle, toujours actuelle. Et qui ne cesse de se diversifier, puisque depuis 2005 Lemarié a élargi son savoir faire au domaine des bijoux, avec des plumes bien sûr.
Plumes en stock
Et des plumes il y en a partout dans les ateliers de cet immeuble du XVIIe siècle, au 103 de la rue du Faubourg Saint-Denis, pas très loin de la gare de l’Est, où la maison Lemarié est installée, depuis 1901. Le gros du stock repose dans des sacs de papier kraft, empilés sur des étagères qui occupent des pans de mur entiers, dans une salle dite de manutention, « un peu le cœur de la maison, autour duquel s’articulent les ateliers, explique Eric Charles-Donatien, le directeur artistique. C’est un endroit de préparation du travail, où nous faisons en quelque sorte notre ‘marché’ pour les différents projets que nous réalisons ». Quant au conditionnement, il répond à la nécessité de protéger le produit naturel que sont les plumes de la lumière, de l’humidité et des mites, dans des matériaux si possibles naturels comme le papier ou le bois. Bien conservées les plumes sont quasiment impérissables, « parfois nous utilisons des plumes plus que centenaires sans le savoir ».
Des plumes aux noms « exotiques », mais dont l’origine est parfois plus prosaïque. Comme le « marabout » qui se trouve être en fait du duvet de dinde… parce que « duvet de dinde, ça évoque plutôt la couette ou l’oreiller, ce n’est pas très ‘glamour’ », confie notre directeur artistique. Duvet de dinde également que la dite « plume de cygne », un duvet particulièrement apprécié pour sa douceur, sa chaleur et son aspect un peu fourrure, d’où son utilisation privilégiée pour la confection des boas …
Mais il y a aussi une autre explication : c’est que le commerce la plume – comme celui des peaux et fourrures - est régi par la Convention de Washington, qui pour résumer, le restreint aux oiseaux dont on mange la chair, c'est-à-dire principalement pour, la maison Lemarié, coqs, oies, faisans et autruches. Les plumes d’autruche proviennent d’Afrique du Sud et de pays d’Amérique du sud, comme celles de nandous, beaucoup de plumes viennent également d’Asie. Des provenances qui nécessitent une grande vigilance. « On jongle avec ce qu’on trouve sur le marché, et le stock de la maison », conclut Eric Charles-Donatien.
Une certaine idée de la plume
Une plume que l’on lave, teint, affine, frise, assemble en fonction de la commande et du destinataire, lequel a beaucoup évolué. Depuis la création de la maison Lemarié en 188O, à l’époque des « chapeaux volières » ornés de plumes en tous genres et même d’oiseaux, mais aussi depuis quelques décennies avec la disparition progressive d’un certain nombre de grandes maisons de couture et le développement du prêt-à-porter de luxe. Gérard Leroy, chez Lemarié depuis 18 ans, se souvient : « Quand je suis arrivé, on travaillait pour une trentaine ou une quarantaine de maisons. Maintenant on travaille pour une dizaine ».
Mais le cœur d’activité de Lemarié reste avant tout celui de la mode, même si la maison ne répugne pas à s’ouvrir à d’autres domaines, comme celui du costume de scène, mais très ponctuellement. Si Lemarié a fourni une partie des costumes du dernier spectacle du Lido, c’est parce que « le discours se prêtait tout à fait à notre intervention, tient à souligner le directeur artistique de la maison. Ils sont venus nous voir, ainsi que d’autres maîtres d’art, dans l’idée de donner un aspect plus sophistiqué, plus ‘couture’ à certains costumes de ce spectacle. On avait donc notre place ». Mais pas question de « grand truc en plumes »…
Bague « Oursin », plume d'oie, argent et strass.
(Photo : Olivier Saillant/ Stylisme : Eric Charles-Donatien)
D’ailleurs, chez Lemarié, on s’efforce de « casser certaines idées reçues sur la plume », notamment celle qui l’associe systématiquement au spectacle sexy. Avec la ligne de bijoux, qu’il a créée depuis 2005, Eric Charles-Donatien, a voulu que par le biais « d’ un travail graphique et technique inattendu (…) la plume devienne objet de design ». Une collection réalisée avec l’orfèvre Goossens, qui fait partie, avec Lemarié, des sept ateliers d’art rachetés à partir du milieu des années 1990 par Chanel : le parurier Desrues, le chapelier Michel, le brodeur Lesage, le bottier Massaro et l'atelier de création de fleurs artificielles Guillet. Une façon de faire vivre ces métiers devenus rares et de moins en moins enseignés. Chaque atelier continue à travailler pour d’autres maisons de couture et a été incité à développer des activités complémentaires, comme l’école de broderie de Lesage ou les collections de bijoux de Lemarié.
L’homme aux camélias
Lorsqu’au début des années 1960 Coco Chanel fait du camélia – fleur sans odeur qu’elle préfère au gardénia – l’emblème de sa maison, c’est à André Lemarié, petit fils de la fondatrice de l’entreprise, qu’il échoit de décliner la fleur dans les couleurs et les matières les plus inattendues. Quelque 20 000 sont livrés par an à Chanel, pour ses huit collections.
L’aventure du camélia commence au rez-de-chaussé de la maison Lemarié, dans l’atelier d’apprêt et de découpe où officie depuis 18 ans Gérard leroy. C’est lui qui apprête les différents tissus et matériaux dans lesquels les pétales de camélia seront découpés, pour être ensuite façonnés, gaufrés un à un par les ouvrières avant d’être assemblés pour former la fleur. Sur les étagères de l’atelier de Gérard Leroy, des dizaines de fers à gaufrer, utilisés notamment pour dessiner les nervures des feuilles. Un travail qui nécessite une connaissance des tissus, pour doser l’apprêt comme la chaleur du fer, une technique acquise « à force de travailler, de faire… Avec le temps on apprend certaines choses. Et de toute façon on a ses méthodes », conclut Gérard Leroy.
Avec le temps… C’est aussi ce que peut dire Catherine Tronche, ouvrière depuis plus de 30 ans chez Lemarié. Délaissant un moment le chapeau qu’elle est en train de recouvrir de plumes (pour la maison Michel), elle nous montre comment on donne leur forme aux pétales de camélia, à l’aide d’une petite boule préalablement chauffée, « avec un geste que nous avons appris à l’école ou sur place ». Le camélia n’est d’ailleurs pas la seule fleur fabriquée chez Lemarié…
Esprit "couture"
Le talent de la Maison Lemarié s’étend aussi à son atelier de couture où « smockes », incrustations et volants sophistiqués y sont réalisées à la demande des grands couturiers. Comme ce plissé de ruban destiné à orner une chaussure dont Santina est en train de faire l’ébauche pour Chanel : « on réplique le modèle dans des matières différentes, on fait des essais et ils choisiront ce qui leur plait ». Santina travaille chez Lemarié depuis bientôt 30 ans et c’est dans « l’habitude » qu’elle puise son inspiration, « à force on connaît un peu l’esprit du client…ça s’imprime ».
La maison Lemarié c’est en tout une trentaine de personnes, dont vint-cinq dans les ateliers. Une ambiance très maison de couture, mélange de hiérarchie et d’esprit collectif, où l’usage du prénom est la règle pour tous et toutes. Geneviève, alias Geneviève Pluvinet, la directrice, nous accueille dans son bureau exigu et encombré – comme toutes les pièces de cet appartement, dont la disposition d'origine est resté inchangée. Depuis 44 ans dans la maison, elle a toujours travaillé avec André Lemarié, qu’elle a remplacé à la tête de l’entreprise lorsqu’il a pris sa retraite, il y a cinq ans.
Geneviève Pluvinet a accompagné l’évolution de l’activité de Lemarié : « Quand je suis arrivée, la maison faisait essentiellement des chapeaux de plumes, pour la France et pour l’exportation – beaucoup pour les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Angleterre, la Suisse – et progressivement l’activité s’est élargie aux grands couturiers, à l’initiative de monsieur Lemarié ». Une initiative qui s’imposait : « après la Seconde guerre mondiale, il y avait encore soixante maisons de fleurs et plumes dans le quartier, qui ont progressivement fermées – souvent faute d’héritiers et aussi à cause de la récession. Monsieur Lemarié en a repris quelques-unes, cinq ou six ». Quant au rachat par Chanel, il n’a « rien changé à l’activité de la maison … si ce n’est peut-être une sécurité en cas de problème… Mais en ce moment tout va bien, alors on n’y pense pas »…
Il est vrai que le chiffre d’affaire global des ateliers d’art progresse et qu’une cinquantaine d’artisans a été recrutée depuis deux ans. Des artisans auxquels Chanel a tenu à rendre hommage en décembre 2007 pour son 6ème défilé à Londres.label france
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A écouter
Danielle Birck nous propose une visite dans les ateliers de la maison Lemarié.
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