Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Sénégal

La «feuille de route» de l’Abbé Diamacoune

L’abbé Diamacoune Senghore, le leader du MFDC , a obtenu, contre engagements, la renonciation à la lutte armée des maquisards casamançais. 

		(Photo : AFP)
L’abbé Diamacoune Senghore, le leader du MFDC , a obtenu, contre engagements, la renonciation à la lutte armée des maquisards casamançais.
(Photo : AFP)
A Ziguinchor, le leader historique du MFDC obtient des maquisards casamançais qu’ils renoncent à la lutte armée en échange d’engagements précis et contraignants de sa part.
De notre envoyé spécial à Zinguinchor

En convoquant du 1er au 3 mai à Ziguinchor les assises «des combattants qui se réclament de lui», l’Abbé Diamacoune Senghor prenait un risque: celui d’un désaveu complet par le refus de se rendre dans la capitale de la région sud. Et samedi, à l’ouverture, devant un parterre de près de trois cents personnes (tous ne sont pas des combattants, ceux-ci sont estimés à environ 70), Diamacoune pousse le défi plus loin en déclarant:«je remets mon mandat en jeu; celui qui veut ma place n’a qu’à la prendre». De ces deux paris, il sort vainqueur mais se retrouve désormais avec une «feuille de route» paraphée par les délégués du maquis pour négocier avec le gouvernement de Dakar: les maquisards déposent les armes et le gouvernement retire ses soldats des campements et autrescheck-points pour ne conserver que les postes militaires qui existaient avant le début du conflit en 1982, c’est-à-dire à Ziguinchor, Bignona et Kolda.

Cette rencontre, malgré ses limites du point de vue du nombre des participants avait une double valeur symbolique: voir et entendre l’Abbé que certains n’avaient jamais vu qu’en photo ou à la télé et réconcilier des frères ennemis qui, il y a peu, réglaient leurs comptes par les armes. Ces hommes qui pour la plupart n’avaient pas mis les pieds à Ziguinchor depuis 1982 ont la méfiance en bandoulière et le regard assassin des hommes pour qui tout «étranger civil est un ennemi» ou un «agent de renseignement».

L.D., une vieille connaissance, confirme que leurs discussions de samedi soir après la cérémonie officielle on été houleuses:«il y a quatre ans, avec certains qui se trouvent ici, on s’entretuait, on s’est rappelé tout ça et on a décidé d’oublier le passé comme nous l’a demandé l’Abbé». On se souvient en effet, qu’à la fin de 1999 que des luttes fratricides ont eu lieu dans le maquis le faisant littéralement imploser donnant lieu aux différentes factions que l’on connaît aujourd’hui. «Qu’avez-vous décidé pour la paix? Etes vous d’accords avec les initiatives prises par l’abbé de discuter avec le président Wade?». Comme si quelqu’un pouvait nous entendre ou nous voir de là où nous étions, il jette un long regard alentour et murmure:«mais tout le monde en a marre de la guerre; tout le monde veut la paix, mais il n’est pas question que nos vingt ans de lutte soient ‘jetées’ comme ça». Et l’indépendance? «quoi, l’indépendance?» rétorque-t-il, furieux. L’exigent-ils toujours? Le silence qui suit montre bien que la question ne va pas de soi.«Le plus urgent, c’est qu’on dépose les armes de part et d’autre, que l’armée rejoigne ses anciens campements et qu’on discute de tout».

Atika promet le silence des armes

Ce sont ces urgences et cette position ambiguë sur la revendication de l’indépendance qu’on retrouve dans la déclaration finale: «si les États souffrent de problèmes économiques, la Casamance, quant à elle, souffre d’un problème de décolonisation». Mais avant d’en venir là, Atika, la branche armée, décline ses conditions que Diamacoune est chargé de faire valoir: le retrait total de l’armée, la libération de tous les détenus d’opinion, le déminage sous la supervision d’une force étrangère. Au président Wade «dont la volonté de paix est reconnue», Atika demande un «document signé de sa propre main, reconnaissant l’Abbé Diamacoune comme seul interlocuteur valable…». En échange de quoi, l’aile armée «promet le cantonnement de ses troupes avec silence des armes sauf en cas de légitime défense». Pour la partie gouvernementale, Atika tresse des lauriers au général Fall, reconnu comme «le seul interlocuteur valable du président Wade».

La branche armée verrouille donc les portes aux multiples intervenant dans ce conflit et choisit ses hommes (l’Abbé et le général Fall) pour les futures négociations. Exeunt donc les ONG, aujourd’hui accusées de toutes les infamies. Exit aussi l’ancien secrétaire général du MFDC, Jean François Biagui, confirmant ainsi la mesure de limogeage prise à son encontre par Diamacoune il y a un mois. Désormais, l’accès à l’Abbé est strictement régenté par l’aile militaire et les courriers et courtiers en direction du maquis filtrés, seuls ceux mandatés par Diamacoune, avec un document signé de sa main, sont autorisés à parler en son nom et/ou se rendre dans le maquis.

Il ne faut cependant trop tôt chanter la paix. Si Diamacoune a carte blanche, c’est seulement d’une partie du maquis et bien malin qui peut en définir les rapports de forces. Il reste que, un pas important a été franchi. Car, c’est la première fois, que des maquisards quittent leurs campements pour Ziguinchor, s’enferment pendant trois jours dans une salle et, au final, donnent un mandat clair à leur chef. Mais il reste que le délai d’un mois donné au gouvernement pour retirer les militaires de leurs positions actuelles, apparaît comme une utopie en l’absence d’un cantonnement des maquisards constaté et la sécurité pour la circulation des personnes et des biens dûment constatés. Même si il est vrai que depuis bientôt un an, aucune attaque d’envergure, aucun braquage contre des véhicules de voyageurs n’a été signalé.

par Demba  Ndiaye

Article publié le 05/05/2004 Dernière mise à jour le 05/05/2004 à 09:09 TU