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« Les drogues ne sont pas un jeu d’enfant »

Des enfants de Rio de Janeiro respirent de la colle dans des sacs plastic. 

		(Photo : AFP)
Des enfants de Rio de Janeiro respirent de la colle dans des sacs plastic.
(Photo : AFP)
Dépendance, troubles psychiques, risques de propagation du VIH/sida : la nouvelle campagne de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (Onudc) vise à sensibiliser les jeunes aux dangers mortels liés à la drogue. « Prendre ou ne pas prendre de drogues est un choix », a souligné le Secrétaire général de l’Onu, Kofi Annan, à condition que ce choix soit effectué en toute connaissance des effets dévastateurs potentiels liés aux prises de stupéfiants et des risques sociaux et sanitaires encourus. Pour cette 19e journée mondiale de lutte contre l’abus et le trafic de drogue, l’Onudc mise sur la prévention. Cœur de cible de cette journée, les jeunes, autour d’un message : « les drogues ne sont pas un jeu d’enfant ». Le but est de sensibiliser toutes les autorités sociales, sanitaires et éducatives qui ont en charge l’éducation des jeunes afin qu’elles relaient l’information et améliorent la prévention.

« Te droguer peut conduire au VIH/sida, alors penses-y avant de commencer ; avant de te piquer ; avant de partager » : tel est le message utilisé par l'Office des Nations Unies contre la drogue (Onudc), qui vise les jeunes –particulièrement vulnérables à l’abus des drogues. « Il faut que chaque enfant puisse dire qu’il comprend le problème, qu’il lui tourne le dos et qu’il dise non à la drogue », a déclaré pour sa part la ministre de la Sécurité sociale de l’île Maurice, Sheila Bappoo. « Le monde ne peut plus se permettre d’ignorer l’énormité de l’épidémie de VIH », a expliqué le directeur de l’exécutif de l’Onudc, Antonio Maria Costa, ajoutant : « Le temps est venu de réagir face à un virus tueur dont la transmission est due à l’utilisation de drogues et au sexe, ainsi qu’à l’ignorance et au déni. Nous devons parler ouvertement aux personnes les plus susceptibles de contracter leVIH/sida, en particulier les jeunes ».

« Six jeunes de moins de 25 ans contaminés [par le VIH] chaque minute » ou bien encore « 5 000 à 6 000 jeunes entre 15 et 24 ans infectés par jour », affiche le site thinkaids.com, parrainé par l’Onudc, qui propose gratuitement un matériel de sensibilisation. Des fiches de renseignements et des clips vidéo illustrent les liens existant entre partage de seringues et transmission des virus -VIH et hépatite C. Par ailleurs, estimant que la radio était un support économique, efficace et d'utilisation facile susceptible d’atteindre un très large auditoire –urbain, rural et même analphabète, l’Onudc a mobilisé des milliers d'émetteurs communautaires du monde entier (soit plus de 500 pour le continent africain), pour que soient diffusés des spots radiophoniques réalisés dans plus de 10 langues -gratuitement téléchargeables sur unodc.org.

D’après le dernier rapport 2006 établi par l’Onudc, il y aurait quelque 200 millions de toxicomanes dans le monde. Sur plus de cinq millions de personnes dans le monde qui ont contracté le VIH et l’hépatite C en utilisant du matériel d'injection contaminé, plus de la moitié sont des jeunes de 15 à 24 ans. Or la propagation est exponentielle : drogué et de surcroît non informé, le sujet peut négliger de se protéger lors d’un rapport sexuel ; chaque personne contaminée, séropositive, devient alors aussitôt un agent transmetteur potentiel du virus –chaque partenaire devenant lui-même un agent transmetteur potentiel à son tour. En Inde, par exemple, l’usage de drogues par voie intraveineuse est directement à l’origine d’environ 3% des infections, un chiffre qui ne reflète que partiellement la situation car « nous voyons de plus en plus de jeunes veuves dont les maris qui s’achetaient de la drogue sont morts du sida. Beaucoup sont séropositives (…) et souvent elles transmettent le virus à leurs propres enfants », souligne Manjul Khann, coordonnateur du projet de l’Onudc dans le nord-est du pays.

« Trop d’Européens consommateurs de cocaïne »

Mal être inhérent à l’adolescence, curiosité et goût du risque, manque d’informations sur les risques encourus : tous ces facteurs font que, mal informés, les jeunes constituent une proie facile pour les trafiquants de drogues. Le Dr Fayzal Sulliman, coordonnateur à la Natresa déplore : « Auparavant, on attribuait l’âge moyen du toxicomane entre 25 et 35 ans. Aujourd’hui, des jeunes entre 8 et 18 ans se droguent. D’abord, cela commence par la cigarette, l’alcool, le gandja, puis cela finit par le brown sugar ou l’héroïne, et n’oublions pas les solvants. Certains jeunes qui travaillent dans les ateliers de menuiserie, par exemple, ont accès à des produits comme de la colle, le vernis, et en travaillant avec, ils les sniffent et sont dans un état léthargique ».

Le marché de la drogue représente un chiffre d'affaires de quelque 320 milliards de dollars, indique par ailleurs le rapport de l’Onudc. Globalement « le contrôle du trafic de drogue fonctionne et le problème mondial de la drogue est circonscrit », s’est félicité Antonio Maria Costa. Il a toutefois pointé des points faibles : la consommation de cocaïne en Europe occidentale atteint des niveaux alarmants : « Trop de cadres, d’Européens éduqués prennent de la cocaïne, souvent en niant qu’ils sont dépendants », a regretté Antonio Maria Costa. Par ailleurs, pour des raisons liées à la grande pauvreté des paysans, la production d’opium (matière première de l’héroïne) en Afghanistan pourrait rebondir en 2006, malgré une chute de production de 21% en 2005. L’Afghanistan reste le premier producteur mondial d’opium, tandis que le Laos -où la production a chuté de 72%- est en passe de devenir un pays sans opium. Le Laos « a fait de remarquables progrès sans recevoir l’attention qu’il mérite », remarque Antonio Maria Costa.

L’Iran menace de laisser la voie libre aux trafiquants

La drogue la plus répandue reste le cannabis. En 2004, quelque 162 millions de personnes ont fumé du cannabis au moins une fois, soit 4% de la population mondiale âgée de 15 à 64 ans, et la consommation continue d’augmenter ; or, a souligné Antonio Maria Costa, « le cannabis est beaucoup plus puissant aujourd’hui qu’il y a quelques dizaines d’années. C’est une erreur de croire qu’il s’agit d’une drogue douce », plaidant pour que les Etats suivent des politiques sans complaisance : « Beaucoup de pays ont le problème de drogues qu’ils méritent (…). Une stratégie cohérente et à long terme peut réduire l’offre, la demande et le trafic (…). Les riches pays occidentaux, consommateurs de drogue, doivent aider les pays en développement à lutter contre ce fléau. Ainsi, par exemple, en aidant les pays africains à lutter contre la corruption dans l’application des lois, ou en encourageant les investissements auprès des producteurs de coca d’Amérique du Sud pour qu’ils se reconvertissent dans les cultures légales », a conclu Antonia Maria Costa.

« La stratégie de l’UE en matière de drogues repose essentiellement sur la recherche d’un équilibre entre, d’une part, la prévention, l’éducation et le traitement et, d’autre part, des mesures de répression strictes à l’encontre des producteurs et des trafiquants », a déclaré le vice-président Franco Frattini. Face à cette mobilisation, l’Iran -qui demande une aide de 500 millions de dollars à l’Onudc- menace de laisser la voie libre aux trafiquants qui alimentent l’Europe et le monde arabe avec des stupéfiants d’origine afghane si les Nations unies n’augmentent pas leur aide financière pour les opérations de garde des frontières afghane et pakistanaise.



par Dominique  Raizon

Article publié le 26/06/2006Dernière mise à jour le 26/06/2006 à TU