Talent

Ubisoft, en route pour les nouveaux mondes

par Marion Urban

Article publié le 29/11/2007 Dernière mise à jour le 06/12/2007 à 16:33 TU

(Photo : Marion Urban /RFI)

En quinze jours, le concepteur français Ubisoft a vendu 1 million d'exemplaires de son nouveau jeu-vidéo Assassin's creed (le credo de l'assassin) et des dizaines de milliers de Rayman contre les lapins encore plus crétins. Une réussite que les amateurs de jeux et les milieux économiques et financiers sauront apprécier mais que le grand public a encore du mal à saisir. Ubisoft a cependant ouvert la porte à une forme de création artistique en symbiose avec le développement des nouvelles technologies.

Les succès d’Ubisoft ont deux visages en cette fin d’année 2007 : des lapins blancs aux yeux globuleux, ouvrant la « bouche » sur deux dents et un inquiétant tueur-à-gages, dénommé Altaïr, errant en terre orientale lors de la Troisième croisade.

(Photo : Ubisoft)

Les « lapins encore plus crétins », autrefois gentils, envahissent la terre en copiant les humains.
Le public visé de ce jeu-vidéo, qui se décline en une cinquantaine de mini-séquences : la famille.

Derrière le jeu : une équipe de création artistique et de développeurs en informatique (entre 10 à 90 personnes) pendant un an.

Le credo de l’assassin (Assassin’s creed), jeu d’action et d’aventure, entraîne les joueurs dans une multitude de scénarios, des stratégies à élaborer, des mystères à découvrir. Patrick Désilets, le créateur d’Altaïr, basé à Montréal (Canada), a supervisé le travail de 200 personnes en permanence pendant quatre ans.

(Photo : Ubisoft)

Depuis son lancement le 15 novembre, Le credo de l’assassin, avec 1 million d’exemplaires vendus, s’annonce le « carton » de l’année. Un court-métrage de cinéma est déjà en préparation.

Les « lapins encore plus crétins » ont une progression plus lente, mais constante.

La première version dans laquelle ils apparaissaient Rayman et les lapins crétins, lancée fin 2006, s’est vendue à 2 millions d’exemplaires, deuxième meilleure vente sur la console de jeux Wii en Europe et aux États-Unis.

Dans le royaume d’Ubisoft, être joueur de jeu-vidéo, occasionnel ou permanent, est une condition essentielle. Cela facilite la compréhension du vocabulaire, truffé de mots anglais, de noms de héros et de références typiquement NTIC (Nouvelles technologies d’information et de communication).

Les premiers pas

(Photo : Marion Urban /RFI)

C’est en 1986, alors que les jeux-vidéo sont encore à leurs balbutiements, que Michel Guillemot et ses frères créent Ubisoft Entertainment, à Montreuil, dans la banlieue parisienne.

Yves Guillemot, 47 ans aujourd'hui, prendra les rênes de la société deux ans plus tard.

Originaires de Carentoir (Morbihan), Claude, Michel, Yves, Gérard et Christian Guillemot ont baigné dans le commerce et la science informatique. Après avoir vendu outils, pétrole, engrais, aliments pour bétail et autres équipements aux fermiers du coin, l'entreprise familiale s’est mis à vendre des ordinateurs et des logiciels de comptabilité pour les exploitations agricoles. Les jeux viennent ensuite. Guillemot corporation décolle. Les fils de la famille se délocalisent.

Mondialisation

Au début, Ubisoft-Entertainment se contente de diffuser des jeux-vidéo des éditeurs étrangers (Electronic Arts, MicroProse) en France, puis en Europe. La société française grandit et ouvre des bureaux de distribution un peu partout dans le monde.

En 1990, Ubisoft songe sérieusement à mettre en place l’infrastructure de production de ses propres jeux. Ubisoft ouvre son premier studio à Bucarest, en Roumanie, en 1992, puis à Paris (1994), Shangaï (1996), Casablanca, Barcelone, Milan (1998). En tout, 15 studios. Le petit dernier a été inauguré à Sofia, en Bulgarie, en juin 2006.

La société est aujourd'hui présente dans 21 pays.

Québécois ou français ?

(Photo : Ubisoft)

Le studio de Montréal, ouvert en 1997, donne un véritable coup de fouet à la société qui lorgne sur le marché nord-américain.
Le gouvernement du Québec fait un pont d'or à Ubisoft, en lui offrant la prise en charge de la moitié des salaires du personnel pendant 10 ans, des crédits d'impôts et des aides à la formation.

Un montant équivalent à l'aide globale de l'État français aux industries de l'audio-visuel.

En 2007, les deux antennes d'Ubisoft-Canada emploient 1 900 personnes (sur 3 950) et elles ont prévu autant d'embauches d'ici 6 ans.

« À l'arrivée, à l'aéroport de Montréal, quand les policiers de l'immigration nous interrogent sur la raison de notre visite au Canada, et que nous répondons que nous sommes d'Ubisoft, ils sont tout sourires », se réjouit Thybault Lhuillier.

Chevalier des Arts et des Lettres

L'entreprise fédère l'enthousiasme de toute une génération de jeunes créateurs, qui développent leurs talents au rythme des lancements des nouvelles consoles de jeu.

En 1995, Ubisoft propose un nouvel héros Rayman, un personnage aux cheveux ébouriffés, sans bras, ni jambes, mais avec des mains et des pieds qui virevoltent autour du torse (à cette époque, les informaticiens ne peuvent assurer tous les mouvements du personnage). Rayman est l'oeuvre de Michel Ancel, un Montpélliérain âgé de 19 ans. Une décennie plus tard, 20 millions de Rayman ont été vendus dans le monde et Michel Ancel a été fait chevalier des Arts et des Lettres.

Succès mondial

Goulûment, Ubisoft a absorbé dans sa croissance des sociétés de production. Ces acquisitions ont enrichi son catalogue de héros. (Des marques serait le terme le plus approprié) et propulsé les ventes. Menacée en 2004, par une prise de participation de l'Américain Electronic Arts (19,9% des parts), Ubisoft est encore un fleuron de l'industrie audiovisuelle française.

La société est devenue le 2ème éditeur indépendant de jeux en Europe, le 4ème du monde, hors Japon.

Le marché des logiciels de loisirs représentent 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires.

Sur la liste des 10 premiers biens culturels des Français en 2006, 4 sont des jeux-vidéo (GFK)
(Photo : Ubisoft)