Politique française
La présidentielle comme la voit Jospin
(Photo: AFP)
Pas facile d’abandonner les premiers rôles en politique. Même après un échec aussi cuisant que celui du 21 avril 2002, lorsque, Premier ministre sortant, on a été écarté du deuxième tour de la présidentielle par le leader du Front national, Jean-Marie Le Pen. Lionel Jospin a beau avoir annoncé qu’il prenait sa retraite politique après cette claque électorale, il pourrait bien être en train de changer d’avis. Même si, pour le moment, il n’avoue aucune ambition, l’ancien Premier ministre pose des jalons pour pouvoir franchir le cap au cas où il y aurait une opportunité. Et il le fait à sa manière : en essayant d’élever le débat et de fixer des objectifs. Autrement dit en apportant sa pierre à l’édifice socialiste qui se construit dans la douleur en perspective des scrutins de 2007.
Sa tribune dans Le Monde est de ce point de vue très significative. Docteur Jospin y réalise le diagnostic des maux de la France et donne la ligne directrice du traitement à dispenser. Un traitement de gauche qui ferait table rase des mauvaises habitudes de la droite (dérives «claniques», manque de transparence et d’impartialité, mauvais fonctionnement des institutions) et répondrait aux aspirations des Français dans quatre domaines majeurs : l’emploi, la République, la politique internationale, le progrès et l’avenir.
«Le jeu des personnes ne doit pas dissimuler les enjeux de fond»
Une fois les enjeux définis, Lionel Jospin en tire une conclusion : «Les candidats [à la présidentielle] devront s’identifier à des projets clairs pour que les Français puissent faire les choix nécessaires au pays». Et il met en garde : «Le jeu des personnes ne doit pas dissimuler les enjeux de fond». Du coup, il invite ses camarades socialistes à faire attention au choix de leur candidat et à désigner celui qui sera «le plus capable de réunir les hommes et les femmes nécessaires pour gouverner avec succès, de rassembler la gauche, d’obtenir la confiance des Français, puis, pendant 5 ans, de diriger l’Etat républicain et de mobiliser la société». Mais quel est donc alors ce socialiste providentiel charismatique et compétent ? Lionel Jospin n’apporte pas la réponse. A chacun d’y réfléchir.
Certains ont déjà leur idée. Les proches de Lionel Jospin, l’ancien ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant notamment, ne cachent pas qu’ils souhaitent un retour de l’ancien Premier secrétaire comme héraut du PS. Elisabeth Guigou a même déclaré après la publication de sa tribune : «Il ferait un bon président». Dans le brouhaha qui anime le Parti socialiste, où les candidats à l’investiture se bousculent, ils aimeraient bien le voir supplanter tout le monde du haut de son expérience d’homme d’Etat. Et surtout damer le pion à Ségolène Royal, la championne des sondages. Celle-ci n’a pas voulu entrer dans la polémique sur la forme et le fond après la leçon de Lionel Jospin. Elle a comme d’habitude simplement manifesté sa satisfaction d’entendre «une voix autorisée» apporter sa contribution au projet socialiste. Pas question de donner prise à ceux qui voudraient l’entraîner sur le terrain de la mauvaise camaraderie. Ségolène Royal répond mais n’attaque pas.
Qui est le meilleur candidat socialiste ?
A gauche, tout le monde n’est pas aussi lisse. Quelques voix se sont élevées pour s’interroger sur la finalité de l’intervention de Lionel Jospin et manifester leur réserve concernant son éventuelle candidature en 2007. Jean-Pierre Chevènement, président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC), a ainsi déclaré : «Lionel Jospin aurait de la peine à représenter l’électorat de gauche qui a clairement affirmé son souhait d’un changement de cap radical». Le député socialiste Jean-Christophe Cambadélis, proche de Dominique Strauss-Kahn, lui-même candidat à l’investiture, s’est de son côté demandé si «aujourd’hui il [Lionel Jospin] serait le mieux à même de l’emporter ?» La question est, en effet, pertinente. L’homme qui a mené les socialistes à la débâcle en 2002 est-il celui qui peut les ressusciter en 2007 ? Reste qu’il y a une question subsidiaire : si ce n’est pas lui, qui est-ce ?
par Valérie Gas
Article publié le 28/06/2006Dernière mise à jour le 28/06/2006 à TU