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Chronique armée-défense

Du Biafra au Delta du Niger

Philippe Leymarie 

		(Photo RFI)
Philippe Leymarie
(Photo RFI)

Il y a tout juste quarante ans, c’était le début de la sécession de la province pétrolière du Biafra : elle avait débouché sur une guerre civile au Nigeria - où s'illustra, entre autres, un jeune médecin français du nom de Bernard Kouchner, nommé il y a  dix jours ministre des Affaires étrangères. 30 mai 1967 : le colonel Ojukwu, gouverneur  du Nigeria oriental, à majorité Ibo -  peuplé de  chrétiens et animistes qui souhaitaient s'affranchir de la tutelle fédérale des Haoussas, en majorité musulmans -  déclare l'indépendance de sa province, sous le nom de république du Biafra car cette province, au sud-est du Nigeria, englobe le delta du fleuve Niger : on y cultive le palmier à huile et le cacaoyer mais des gisements de pétrole avaient été trouvés dans les marécages, et au large en mer.

La fédération ne pouvait supporter ni l'opposition des Ibos, ni la perte de ces champs prometteurs : la guerre dite «civile» qui s'en est suivie a laissé le souvenir de  sa brutalité, de son horreur : un million de victimes, en grande partie des villageois affamés. Une guerre du Biafra qui a été un peu le creuset de l'action dite «humanitaire»  : les images insoutenables, sur les télés, de combats cruels, de réfugiés assiégés, de famine, avaient ému en Europe, alors que ce qu'on appelle aujourd'hui «la communauté internationale», s'interdisait de se mêler de ce conflit intérieur.

De jeunes médecins  en majorité français, dont Bernard Kouchner, se révoltent contre les «silences» de la Croix-Rouge, la grande organisation de secours qui prône une neutralité totale : ils fondent Médecins sans frontières, qui se veut indépendant des Etats, prenant à témoin directement l'opinion publique internationale, préférant plaindre les victimes que se lancer dans l'explication politique - ou géopolitique - du conflit car d'autres Français, dans la discrétion, s'intéressent à ce nouveau «Biafra» : à la demande  et avec l'appui d'Etats africains amis (la Côte d'Ivoire de Houphoüet-Boigny, l'Afrique du sud de l'apartheid), en liaison avec le Portugal (alors  puissance coloniale «militante»), le gouvernement français accorde un soutien supposé «logistique» mais qui va plus loin  : fourniture, dans la clandestinité, d'armes et envoi de mercenaires.

Un soutien français déguisé

C'est Libreville qui devient la plaque tournante de cette «guerre secrète» menée par une équipe réduite, en liaison avec les services secrets et les unités spéciales de l'armée française, n'en référant qu'à Jacques Foccart, le secrétaire aux Affaires africaines de l'époque. Un soutien qui avait pris la forme d'un pont aérien, déguisé sous les couleurs de la Croix-Rouge ; et qui a illustré  ce dangereux  «mélange des genres», qui a souvent été la marque des opérations françaises de sécurité sur le continent, entre humanitaire et militaire, entre bons sentiments et visées plus géopolitiques, voire pétrolières.

Les temps ont changé, Kouchner est ministre. Dans le Delta du Niger, les enfant des sécessionnistes biafrais sont parfois au nombre de ces miliciens qui, les armes à la main, à nouveau, multiplient les prises d'otages, percent les pipe-lines, et s'en prennent aux compagnies pétrolières comme au gouvernement  fédéral,  accusés de piller «leur» or noir. Aujourd'hui, ce sont des commandos marines des Forces spéciales américaines qui patrouillent dans le Delta, pour protéger «leur» pétrole.


par Philippe  Leymarie

[27/05/2007]

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