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Chronique armée-défense

Les anthropologues aux armées

Philippe Leymarie 

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Philippe Leymarie
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Pour mieux lutter contre les insurrections en Afghanistan et en Irak, le Pentagone déploie désormais des experts en sciences sociales aux côtés de ses troupes. Mission des anthropologues : mieux décrypter les mœurs des populations locales.  

Elle s’appelle Tracy.  Elle a la voix douce et ne porte pas d’arme.  Elle est membre de la première « Human Terrain Team » - un programme expérimental du Pentagone, qui envoie des anthropologues et autres spécialistes en sciences sociales - on disait sciences humaines - en Afghanistan et en Irak, aux côtés des unités de combat américaines.

Un envoyé spécial du quotidien New York Times racontait récemment combien la compréhension de certaines « subtilités tribales »  - notamment l’identification, dans ce bastion isolé de l’est de l’Afghanistan, d’un conflit territorial qui avait permis aux talibans d’intimider les membres d’une importante tribu - a valu à l’équipe de Tracy les éloges des officiers, qui ont constaté des résultats concrets.

Le même confrère relève que le colonel Martin Schweitzer, qui commande l’unité de la 82e division aéroportée travaillant avec les anthropologues, considère que les opérations de combat de ses hommes ont diminué de 60 % depuis l’arrivée des scientifiques en février dernier, ce qui a permis aux militaires de se concentrer davantage sur la sécurité, la santé, l’éducation de la population locale : « Nous portons un regard plus humain sur la situation. Nous ne sommes plus obnubilés par l’ennemi », affirme-t-il. Le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a donné en septembre son feu vert à un financement qui permettra l’affectation d’experts en sciences sociales dans les 26 brigades américaines de combat en Irak et en Afghanistan.

Certains, dans le monde universitaire, rappellent cependant le mauvais usage des sciences sociales fait par le passé dans d’autres conflits, au Vietnam et en Amérique latine. Ils dénoncent une « anthropologie mercenaire », accusent  le Pentagone de chercher à « militariser la culture » ou « d’instrumentaliser les savants par les canons. » « De tous temps, d’Alexandre le Grand à Hitler, en passant par Napoléon Bonaparte, écrit le journal La Presse, à Tunis, les corps expéditionnaires, les occupants, se sont appuyés sur des nuées de savants » - à la fois pour le prestige, la connaissance, mais aussi pour parfaire la conquête.

Aujourd’hui, l’armée américaine, à travers la réalisation par exemple en 2006 de plus de six cents projets d’aide humanitaire dans 90 pays,  montre qu’elle s’intéresse à la dimension et aux ressorts civils des conflits ou de leur prévention. Le corps des Marines, conscient que les 4/5 des missions de l’armée n’ont pas de rapport avec les combats, cherche de plus en plus à sensibiliser aux cultures des pays dans lesquels ses hommes sont amenés à intervenir.  

Les actions dites « civilo-militaires » sont aussi un vieux classique dans l’armée française, qui les avait développées notamment en Indochine, encore plus en Algérie. Aujourd’hui au Liban et en Afghanistan - dans des contextes bien sûr différents : les équipes de « mentors » français - des instructeurs militaires insérés dans des unités de l’armée afghane, au plus près du terrain - passent d’abord par une formation notamment anthropologique, pour être le plus en phase possible avec la sociologie de la population… et de leurs camarades de combat afghans.


par Philippe  Leymarie

[04/11/2007]

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