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Chronique armée-défense

Diego Garcia, l'atoll défiguré

Philippe Leymarie 

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Philippe Leymarie
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L'intervention, ces derniers jours, des B52 sur les lignes des Taliban, en Afghanistan, attire à nouveau l'attention sur l'atoll de Diego-Garcia, où ces bombardiers lourds sont basés... C'est l'un des lieux les plus secrets et isolés de la planète. Un groupe d'îles et d'atolls au coeur géographique de l'océan Indien : les Chagos. Et parmi elles, le récif coralien de Diego-Garcia, où les premiers militaires américains se sont installés en 1971, qualifié depuis par l'état-major de «plate-forme indispensable».

En temps normal, cet atoll en forme de vaste anneau de 44 kilomètres carrés, formé d'une très étroite bande de corail qui enserre une rade bien abritée, permet le stationnement d'une escadrille d'avions de patrouille maritime P3 Orion : des quadrimoteurs à hélices capables de rester plus de douze heures en l'air, et de procéder à toutes man£uvres d'écoutes et de surveillance. Il sert aussi de base fixe d'écoutes et de ravitaillement, avec des stockages de carburant, et le mouillage en rade de navires de la flotte logistique de l'US Navy, à bord desquels sont prépositionnés divers matériels pouvant servir en cas de conflit.

En temps de guerre, comme ce fut déjà le cas lors du conflit du Golfe, en 90, et à nouveau en ce moment, la base peut loger jusqu'à 4000 hommes, et accueillir notamment les fameuses «strato-forteresses», les bombardiers lourds B52 - les mêmes qui avaient servi déjà lors de la guerre du Vietnam, utilisés pour déverser des «tapis de bombes», mais dont les versions modernisées peuvent aussi lancer les missiles de croisière Tomahawk - comme cela a été le cas début octobre, lors des toutes premières frappes sur l'Afghanistan. Sur le plan politique, les Chagos forment ce que Londres a appelé en 1965 le Territoire britannique de l'Océan Indien (BIOT), afin de le détacher de l'île Maurice qui allait obtenir son accession à l'indépendance - et qui, depuis, ne cesse de réclamer la «rétrocession» de l'archipel. Diego Garcia, la plus vaste île, avait été louée aussitôt pour un bail de cinquante ans au gouvernement américain, qui cherchait à se ménager une escale stratégique, sur la route entre le Pacifique et le Golfe.

Problème : l'archipel était habité... Des «îlois», lointains descendants d'Africains et Malgaches, y produisaient de l'huile, à partir des noix de coco. Le chef d'état major de l'US Navy, à l'époque, l'amiral Elmo Zumwalt, n'avait pas caché qu'il «ne souhaitait pas la présence d'habitants susceptibles d'être influencés par la propagande communiste», et pouvant «nous poser des problèmes politiques».

En vertu donc du principe, «no people, no problems», les 2000 habitants de l'archipel ont été progressivement déplacés, puis franchement «déportés» à l'île Maurice, à 1500 kilomètres de là, où ils ont survécu, plutôt mal que bien, obtenant cependant plusieurs vagues de compensations, et surtout, à la fin de l'année dernière, un verdict en forme de coup de théâtre à la Haute Cour de Justice , à Londres : les juges reconnaissaient leur nationalité britannique, et leur droit au retour dans leur archipel natal !

Dans l'archipel, et l'une de ses soixante îles, mais pas sur l'atoll de Diego Garcia lui-même, pour lequel une nouvelle ordonnance sur l'immigration, pondue par le gouvernement de Londres quelques heures après ce verdict, maintenait l'interdiction de circuler. Mais que peuvent les déportés de l'atoll défiguré, face au tonnerre des terribles B52 ?

par Philippe  Leymarie

[03/11/2001]

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