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Chronique armée-défense

Les cinquante ans de la défaite française à Dien Bien Phu

Philippe Leymarie 

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Philippe Leymarie
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On a revu, ces jours-ci, les visages de ceux qui sont aujourd'hui de vieux grand-pères, et qui se faisaient face dans l'enfer de Dien Bien Phu: le général Giap, héros national, qui va sur ses 93 ans; et le général Bigeard, à l'époque simple mais remuant commandant de parachutistes, sorti du rang, qui avait fini -le siège aidant- par devenir le chef opérationnel de tout ce qui «résistait» dans la «cuvette». Aujourd'hui encore, le génial stratège vietnamien, qui sera plus tard le «vainqueur de Saïgon», une fois les Américains chassés à leur tour d'Indochine, estime que ses adversaires de l'Empire français auraient dû se retirer à temps: la toile d'araignée de souterrains, de canons et mitrailleuses anti-aériennes données par les Chinois, avec 60 000 hommes motivés, vivant «comme un poisson dans l'eau», et ravitaillés «à la chinoise», par 20 000 bicyclettes, 11 000 radeaux, 500 chevaux, 1 000 camions, tout cela ne laissait plus, selon lui, aucune chance aux 16 000 Français, qui s'étaient volontairement enfermés dans ce fond de vallée enserré de collines, aux confins du Laos, à 13 000 kilomètres de la France. Et qui -reconnaît aujourd'hui Bigeard- n'auraient jamais dû y aller, ou en tout cas n'auraient pas dû y rester. «Nous étions un gibier fatigué», dit celui qui se désole encore de tous ces sauts de volontaires, jusqu'au dernier moment, dans une cuvette devenue la «gueule d'un monstre», au-dessus de laquelle il rêve d'ailleurs que ses cendres soient dispersées, le moment venu...

Si, pour les Vietnamiens, l'essentiel se passait la nuit, à couvert, au point que le corps expéditionnaire français n'a pas senti assez tôt le piège se refermer, pour lui, presque tout se passait dans les airs: le parachutage des unités qui avaient conquis la cuvette; l'appui des chasseurs, et les ravitaillements et l'évacuation sur DBP, à partir d'un terrain sans cesse mitraillé; puis, quand c'est devenu vraiment impraticable, les derniers parachutages, histoire de ne pas donner l'impression de tout laisser tomber, alors même que plus rien n'était possible. Pour ces aviateurs qui «sont allés jusqu'au bout», ce fut l'hécatombe. Et à terre, aussi: jusqu'à 5 000 blessés (ce qui finissait par poser un problème de gestion des soins et des effectifs); plus de 3000 morts et disparus, et 11 700 prisonniers, dont plus de 8 000 ne sont pas revenus: ils avaient été passés par profits et pertes, par le président du Conseil Mendès-France, à la signature de l'accord de Genève, en 1954, tout comme les supplétifs vietnamiens, «oubliés» de l'histoire eux aussi. Désastre militaire -la deuxième grande défaite après la déroute de 39-40- mais aussi politique: le premier acte du grand déclin de l'Empire. Le sentiment des officiers d'avoir été abandonnés et même «trahis» par les civils: quelques années plus tard, ils mettront un général au pouvoir, à Paris, et le pays en état de siège au nom de «l’Algérie française». Mais ausi la fierté d'une opiniâtre «armée populaire» -celle des petits hommes verts et noirs de Giap et Ho Chi Minh- qui met fin à une occupation occidentale, et annonce à sa manière le réveil de l'Asie.


par Philippe  Leymarie

[02/05/2004]

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