Chronique Asie
La bataille qui a fait rage au sommet de l’Etat chinois n’aura duré que deux ans. C’est peu de temps, dans ce pays à l’histoire millénaire, où la politique doit toujours s’inscrire dans la durée et où les dirigeants ont l’habitude de s’éterniser aux commandes. Mais la victoire rapide de Hu Jintao sur son rival Jiang Zemin ne doit pas surprendre. Elle était inévitable depuis que les deux hommes avaient accepté de partager le pouvoir en 2002. Même si ce partage avait permis une transition tranquille, ils étaient trop différents pour pouvoir cohabiter.
Tout les séparait: l’âge, la formation et la culture politique. Ils n’avaient en commun que la fidélité au Parti communiste. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que les affrontements soient devenus monnaie courante au sommet de l’Etat: les questions de Taiwan et de Hong Kong, l’instabilité sociale en Chine, la corruption, la démocratie au sein du parti, le rôle de l’armée, leurs opinions divergeaient sur tout. La divergence la plus profonde portait sur la politique économique: le Premier ministre Wen Jiabao voulait contrôler la croissance pour limiter le nombre de problèmes qu’elle pose à la Chine, notamment dans le domaine des inégalités sociales et de l’environnement. Tandis que Jiang Zemin poussait à la fuite en avant, considérant que cette croissance est la seule source de légitimité du gouvernement.
La guerre feutrée du président Hu Jintao et de ses amis a fini par faire plier le patriarche qui avait tous les pouvoirs à la tête de l’armée. Mais, comme souvent dans l’histoire politique chinoise, la chute de Jiang Zemin n’aurait jamais été possible sans la trahison de ses pairs. Sept des neuf membres de la commission centrale militaire lui ont retiré leur soutien fin août, ouvrant la voie à sa démission. Officiellement, ils ont agi ainsi pour «empêcher les divisions au sein du parti». En fait, cette trahison est la conséquence de deux erreurs stratégiques de Jiang Zemin: la première a été sa théorie «des trois représentations» destinée à moderniser le Parti communiste. Lancée lors du XVIe congrès du Parti , il y a deux ans, elle a ouvert les portes de celui-ci aux nouveaux capitalistes chinois et cela a provoqué d’énormes résistances. La deuxième erreur a été son acharnement à défendre les intérêts financiers de sa famille, notamment ceux de son fils aîné, le sulfureux Jiang Mianheng, connu comme «le prince de la technologie de l’information», car il gère l’entreprise d’état China Netcom, qui contrôle l’Internet en Chine. Jiang Zemin laisse tout de même un immense héritage à la Chine: pendant les dix années de son règne ce pays est passé du statut d’Etat-paria à celui de grande puissance.
par Any Bourrier
[20/09/2004]
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