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Chronique armée-défense

Le dernier pigeon de Verdun

Philippe Leymarie(Photo RFI)
Philippe Leymarie
(Photo RFI)

« C'est mon dernier pigeon », écrivait dans son message le commandant Raynal qui résistait jusqu'au bout aux assauts des troupes allemandes, dans le fort de Vaux, un des trente ouvrages défensifs autour de Verdun : « Subissons attaque de gaz et fumées très dangereuses... urgence à nous dégager ». Le volatile, d'abord blessé et revenu dans la casemate, en était reparti. Les renforts étaient bien venus, mais avaient reculé sous la « fauche » des mitrailleuses.

Le 7 juin 1916, les occupants se rendent : vaincus par la soif, ils léchaient les murs ou buvaient leur urine, asphyxiés par les gaz, brûlés au lance-flamme, n'en pouvant plus de supporter  ce fort surpeuplé, ses tinettes bloquées, ses rats, ses poux, les cadavres. Ce fut si dur que les soldats allemands -fait exceptionnel- avaient rendu les honneurs  militaires aux survivants. Et que, pour la petite histoire, le « dernier pigeon » du commandant Raynal avait été cité à l'Ordre de la Nation et pourvu d'une « bague d'honneur ».

On peut en sourire. Mais, même 90 ans plus tard, la visite du champ de bataille de Verdun reste pesante. Comme elle l'a été, des décennies durant, pour les centaines de milliers de familles -on les appelait les pèlerins- venues reconnaître les lieux où ils avaient combattu, et où beaucoup des leurs avaient été tués ou blessés. C'est que Verdun avait fait figure de « mère des batailles », lieu symbolique où -après deux ans de guerre de positions- on allait en finir. Le général Falkenheim se proposait d'ailleurs de « saigner l'armée française », Blutpumpe. avec, le 21 février 1916, un premier déluge de feu -Trommelfeuer: Au total, 1 400 canons allemands crachant la mitraille... et, dans les premières journées de l'offensive, jusqu'à 4 000, voire 5 000 morts au quotidien.

Des bombardements qui ont laissé un paysage en trous et bosses, souvent lunaire... et perforé un sol qui, aujourd'hui encore, dégorge ses explosifs, ferrailles, ossements... Et des villages entièrement disparus, figurés aujourd'hui par des pancartes et un maire virtuel, nommé par le préfet. Des conditions de vie et de combat si inhumaines que les survivants en sortaient hagards, ou « gueules cassées ». Et que le général Pétain, qui avait pris le commandement des Français, avait ordonné qu'on relève tout bataillon ayant perdu un tiers de ses hommes, donnant naissance à une noria, un « tourniquet » disait-on aussi, alimenté le long d'une route surnommée la Voie sacrée, par où passait un camion toutes dix secondes.

Les deux tiers de l'armée française s’étaient succédés en 10 mois dans les forts et tranchées de Verdun, où se déroula la première guerre de masse, technologique, industrielle, avec une artillerie moderne, les premières escadrilles de combat. Et, pour la France, la dernière grande guerre patriotique. Mais, bien que les batailles de la Somme, de Champagne, de la Marne aient été aussi meurtrières, ce qui est resté, c'est l'image d'une boucherie humaine, symbolisée par le fameux ossuaire de Douaumont : à lui seul, il abrite les restes de plus de 130 000 combattants, allemands et français mêlés. Et au nombre des Français, des dizaines de milliers de coloniaux auquel un mémorial en cours de construction rendra prochainement hommage...



par Philippe  Leymarie

[26/02/2006]

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