Le Cambodge entre l'embellie et les cauchemars
Les nuits des Cambodgiens, qui ont survécu au génocide khmer rouge, sont terribles. Vingt cinq ans après, même si pour avoir la paix beaucoup font semblant d'oublier, les horreurs du passé les rattrapent dans leur sommeil. Ici comme au Rwanda, l'insomnie et les cauchemars sont le lot quotidien des rescapés. Et le procès des Khmers rouges, qui doit faire surgir la vérité au grand jour, est sans cesse différé, perpétuant les souffrances nocturnes.
Après avoir enfin voté une loi instituant le tribunal chargé de juger des responsables khmers rouges, le Parlement cambodgien vient de découvrir qu'il lui fallait au préalable modifier le code pénal, car ce dernier était contraire à la constitution. Un détail qui risque fort de reporter l'ouverture du procès tant attendu à l'année prochaine voire aux calendes grecques.
S'il n'y avait ce terrible héritage du génocide, le Cambodge serait un pays en voie de développement comme tant d'autres, un pays parmi les moins avancés, dont 36% de la population vivent sous le seuil de pauvreté Le petit royaume est confronté à la pression croissante des paysans sans terre, quelque 13% de la population ainsi qu'à une déforestation massive, propice aux inondations, aux sécheresses. Et Phnom-Penh, où cohabitent les nouveaux riches aux villas opulentes et des cohortes de mendiants et de squatters, devient une ville dangereuse.
Seulement, dans son malheur, le Cambodge a plus de chance que d'autres. Les beautés des temples d'Angkor attirent des centaines de milliers de touristes par an. Et les bonnes fées de la communauté internationale notamment, les premiers donateurs, le Japon et la France, offrent une aide généreuse au petit royaume: 548 millions de dollars l'an dernier pour quelque 12 millions de Cambodgiens. Une aide soumise à des efforts en matière de lutte anti-corruption, de bonne gouvernance.
Outre la lutte contre la pauvreté dans les campagnes, les priorités du gouvernement de Hun Sen sont de réduire les effectifs de l'armée, de former les personnels qualifiés décimés par le régime khmer rouge, des magistrats, des policiers, des enseignants. Au-delà de l'efficacité. Il en va de la restauration d'un état de droit. Car à force d'avoir du chaparder pour survivre sous les Khmers rouges, de s'être refermé sur soi, des Cambodgiens disent avoir perdu leurs repères et leurs valeurs. Une honte qui s'ajoute aux tourments de la nuit.
par Hélène
Mendes Da Costa
[12/06/2001]