Chine, l’épidémie dans les campagnes
Any Bourrier
(Photo: RFI)
Deux cent morts déjà. Des milliers de personnes contaminées. Une centaine de nouveaux cas par jour à Pékin. La pneumopathie atypique prend les allures d’une pandémie en Chine. Face à cette gigantesque crise sanitaire, le système de santé chinois n’est pas à la hauteur : les hôpitaux sont saturés, le personnel médical est à bout, les équipements sont vétustes, bref, les malades payent le prix de vingt ans de laxisme du pouvoir dans ce domaine.
Mais le plus grave est peut être à venir. Si la propagation du virus dans les campagnes, où vivent 800 millions de chinois, se poursuit, alors ce sera une catastrophe.
Le danger potentiel d’extension de la maladie en milieu rural est d’autant plus redoutable que les équipements médicaux de base manquent dans les campagnes, où le système de contrôle des épidémies est incomplet et les connaissances en matière de prévention insuffisantes.
Tout comme les liens de la Chine avec l’étranger ont facilité la progression du virus à l’échelle internationale, les réseaux chinois de transports aériens, ferroviaires, routiers et maritimes ont contribué à introduire le virus dans toutes les provinces, villes et villages, dans la foulée des migrations internes.
Dans la province du Henan, où vivent 93 millions d’habitants, déjà sérieusement touchés par le Sida, la maladie s’est déclarée depuis trois semaines. Le virus provenait de la province voisine du Shanxi, où, après Canton et Pékin, la pneumopathie atypique s’est répandue comme une traînée de poudre. Dans l’Anhui, une province de 63 millions d’habitants, 87 hôpitaux ont été désignés pour accueillir les malades du SRAS. Les autorités savent qu’ un million de migrants sont rentrés à la maison depuis le début de l’épidémie et, parmi eux, il y a certainement des porteurs du virus corona. Même chose au Sichuan, qui compte six millions de migrants ou en Mongolie intérieure, où ces mingongs revenant de Pékin ont contaminé leurs proches. C’est maintenant la province du Hebei, dans le nord-est chinois, qui attire l’attention. Une équipe d’experts de l’Organisation Mondiale de la Santé y est arrivée ce matin pour une mission d’urgence.
Dans tout le pays, des centaines de paysans pauvres, exclus du système de santé, faute de ressources, sont donc condamnés à mourir. Mais l’arrivée de la pneumopathie atypique dans cette immense Chine rurale devrait sonner l’alarme pour le gouvernement. Car dans ce pays majoritairement paysan, les grandes révoltes, qui ont abouti au renversement des dynasties, sont toujours parties des campagnes.
par Any
Bourrier
[08/05/2003]