Afghanistan: les pièges de la paix
Any Bourrier
(Photo: RFI)
En novembre 2001, après avoir renversé le régime des talibans, George Bush et les dirigeants occidentaux se sont engagés à reconstruire l’Afghanistan. A la conférence de Bonn, au printemps 2002, 4,5 milliards de dollars ont été offerts par les bailleurs de fonds. Mais les pays donateurs souhaitaient un gouvernement solide et un plan fiable pour l’utilisation de cet argent. Aujourd’hui, en dépit de l’amélioration de la situation à Kaboul, les problèmes de sécurité sont toujours l’obstacle majeur pour mener à bien certains projets.
Cette situation figée et le manque de visibilité des actions de reconstruction ont déçu beaucoup d’ afghans. Pour eux, les talibans sont partis, la misère est restée. Il est vrai que vingt-trois ans de guerre civile ont ravagé d’une façon presque irréversible les infrastructures du pays. La grande route reliant les principales villes d’Afghanistan est complètement détruite. Dans la majorité des provinces, il n’y a plus d’électricité. Même à Kaboul les coupures sont fréquentes, l’alimentation en eau et les système d’irrigation sont insuffisants.
La lenteur de la reconstruction a eu une conséquence majeure sur la situation politique: elle a affaibli Hamid Karzai. Le soutien à son gouvernement est en train de diminuer comme une peau de chagrin. Un soutien qui était déjà fragile, même si le président du gouvernement de transition a formellement obtenu l’appui de la Loya Jirga, le grand conseil qui réunit les anciens des tribus et les délégués locaux. En outre, Karzai paye aujourd’hui le prix de ses engagements pro-américains puisque, pour les afghans conservateurs, les Etats-Unis sont entrés en guerre contre les pays islamiques au moment où ils ont décidé d’attaquer l’Irak.
Sur le plan politique, la situation est plus que jamais précaire. Mais aucun journal n’ose critiquer les moudjahidine, les anciens combattants de l’Alliance du Nord qui contrôlent les ministères de la Défense et des Affaires Etrangères, ainsi que les services de renseignements.
Dans ces conditions, comment réduire l’influence des talibans ? Les forces de maintien de la paix ont fait de grands progrès à Kaboul mais leur action est limitée à la capitale et ses environs immédiats. Dans les régions, les seigneurs de guerre règnent en maîtres. Ils seraient aujourd’hui plus riches que le gouvernement central grâce à la culture du pavot, à la contrebande et au pillage des monuments historiques. Un terreau fertile pour le mollah Omar, le chef de l’ancien régime taliban, qui vient de désigner un conseil exécutif de dix membres chargé d’organiser la résistance aux troupes étrangères stationnées en Afghanistan. Ce conseil, appelé Rahbari Shura, est composé de commandants militaires taliban d’origine afghane. Leur mot d’ordre: bouter les troupes étrangères hors de l’Afghanistan et faire tomber le régime du président Karzai.
par Any
Bourrier
[27/06/2003]